Tunisie. Assigné à résidence en Grèce, Slim Riahi plaide l’asile politique
L’homme d’affaires de 49 ans, ancien président du parti UPL et du Club africain, avait fait les frais d’une première campagne gouvernementale anticorruption entre 2017 et 2019. Il est à nouveau traqué par l’actuel pouvoir tunisien qui exige son extradition depuis des îles grecques.
Othman Jerandi, ministre des Affaires étrangères, de l’Immigration et des Tunisiens de l’étranger, a indiqué dès le 14 août avoir un entretien téléphonique avec son homologue grec Nikos Dendias, au sujet du dossier du businessman multimilliardaire Slim Riahi.
Pour rappel, en février 2019, le tribunal de première instance de Tunis l’avait condamné à cinq ans de prison ferme pour une affaire de chèques sans provision. Le 17 avril de la même année, la cour d’appel de Tunis émet un mandat de dépôt à son encontre pour des soupçons de blanchiment d’argent. La chambre criminelle du pôle judiciaire et financier le condamne le 12 décembre à onze ans de prison par contumace, au moment où Riahi se trouve en Europe.
Selon un média grec, alors que l’intéressé avait démenti le soir du 23 août sur les réseaux sociaux ce qu’il a qualifié de « rumeurs », l’homme aurait bien été arrêté récemment lors d’un contrôle à une porte d’embarquement aux frontières du pays, plus précisément à l’aéroport d’île de Mykonos où il passait vraisemblablement ses vacances estivales.
Pourquoi maintenant ? Il semble que la volonté politique qui prévaut à Carthage depuis le 25 juillet se traduit par une pression judiciaire côté tunisien auprès d’Interpol. Le Palais aurait par ailleurs demandé « l’accélération de la procédure d’extradition conformément aux lois et procédures internationales en vigueur ».
Agissant sans complexes tel le porte-parole du parquet, le conseiller du président de la République Kais Saïed, Walid Hajjam, a ainsi lui-même annoncé aux médias l’arrestation de Slim Riahi en Grèce, précisant que la présidence demande avec insistance son extradition vers la Tunisie et redoublera d’efforts diplomatiques en ce sens.
Une procédure qui a peu de chances d’aboutir
« Je ne suis ni un corrompu ni un criminel », se défend Riahi sur sa page où il s’est tenu relativement loin de l’actualité politique ces derniers mois. S’il est aujourd’hui établi qu’il a été déféré devant un tribunal grec compétent qui l’a placé en résidence surveillée à ses frais, à titre préventif, médias et juristes grecs le présentent comme « le chef de l’opposition tunisienne » après que la nouvelle de son arrestation ait fait la Une de médias locaux.
Une qualification usurpée, mais que l’homme d’affaire, qui avait initialement fait fortune en Libye, mettra en avant suivant en cela manifestement les conseils de sa défense.
Né à Bizerte, sa famille s’exile en Libye dès 1980. Son père, un nationaliste panarabe, est opposé au président Habib Bourguiba, puis à son successeur Ben Ali. Slim Riahi grandit en Libye, où il étudie le management à l’université Al Fateh de Tripoli. Par la suite, il se lance dans la production pétrolière, l’énergie, l’aviation et l’immobilier. Il s’installe ensuite à Londres, où il acquiert la nationalité britannique, avant de retourner en Tunisie au lendemain de la révolution de 2011. En 2013, il est présenté comme l’artisan du rapprochement entre Béji Caïd Essebsi et Rached Ghannouchi lors d’une réunion à Paris.
Fin 2019, il accorde un entretien à Sami Fehri dans lequel il révèle des échanges de messagerie entre lui et l’ancien chef du gouvernement Youssef Chahed, estimant avoir fait l’objet d’un chantage.
Aujourd’hui son extradition reste très peu probable, les pays de l’Union européenne n’extradant en règle générale jamais leurs ressortissants vers des pays où la peine de mort n’a pas été abolie, ou pour des motifs considérés comme partiellement politiques.
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