Arrestation de Belhassen Trabelsi : une procédure d’extradition peut-elle aboutir ?
Les autorités judiciaires tunisiennes ont engagé une demande d’extradition de Belhassen Trabelsi, le plus sulfureux des gendres de l’ancien président en fuite Zine El Abidine Ben Ali, auprès des autorités françaises. Celles-ci l’auraient arrêté à Marseille dans des circonstances encore vagues, a-t-on appris ce weekend, sans conformation officielle côté français. Mais qu’en est-il de la faisabilité de l’extradition de cet ennemi public numéro 1 ?
Selon des sources françaises, le fugitif emblématique de la corruption des années Ben Ali aurait été arrêté puis placé en détention dans le cadre d’une affaire financière menée par la juridiction inter-régionale spécialisée de Marseille.
« Le ministère de la Justice a pris l’initiative vendredi d’envoyer une correspondance aux autorités françaises, via le ministère des Affaires étrangères tunisien, leur faisant part de son désir d’extrader la personne concernée conformément à l’accord bilatéral conclu entre les deux pays portant sur la coopération judiciaire en matière pénale et sur l’extradition des criminels adopté en 1972 », précise-t-on de même source.
Le ministère tunisien de la Justice a révélé que le bureau Interpol Tunisie l’avait alerté en réalité dès le 14 mars sur la capture par les services de police français de Belhassen Trabelsi, qui faisait l’objet de pas moins de 43 mandats d’amener internationaux et 17 mandats de recherche au niveau national. Un palmarès bien garni, type grand banditisme.
Belhassen Trabelsi, le frère ainé de Leila Trabelsi, l’épouse de Ben Ali, avait pour rappel fui la Tunisie avec des membres de sa famille dans la journée du 14 janvier 2011, en marge de la révolution de la dignité, à bord d’un yacht en direction de l’Italie voisine avant d’immigrer au Canada où il a à nouveau fini par disparaitre craignant l’expulsion vers son pays d’origine, après avoir épuisé tous ses recours pour obtenir l’asile politique.
Dès 2012, le gouvernement du Canada lui avait en effet retiré le statut de résident permanent, même si ses enfants y sont scolarisés, au motif qu’il n’était pas alors établi qu’il avait résidé deux années sur le territoire canadien au cours des cinq dernières années, comme exigé par la loi canadienne.
Quelles chances l’extradition a-t-elle d’aboutir ?
Disons-le d’emblée : dans les faits, une extradition s’avère compliquée, avec très peu de chances d’aboutir, et ce pour plusieurs raisons.
Il y a d’abord le fait qu’hormis les cas de terroristes dangereux et d’autant plus indésirables sur le territoire français, la France extrade très rarement des suspects vers le Maghreb. Quand bien même un deal à caractère politique serait trouvé, il resterait en outre toutes sortes de recours devant la Cour européenne des droits de l'homme, potentiellement longs de plusieurs années de procédure, et où la défense de l’intéressé peut invoquer la question complexe mais néanmoins défendable du risque du procès inéquitable.
Car en Tunisie, en sus d’une stabilité institutionnelle encore toute relative (pas de Cour constitutionnelle à ce jour), après plus de quatre années d’un mandat qui touche à sa fin, l’instance chargée de la justice transitionnelle piétine, plus particulièrement dans le cas des dossiers liés à la corruption, où son bilan est des plus dérisoires, à l’image du dossier Imed Trabelsi, le frère cadet de Belhassen Trabelsi, qui croupit toujours en prison, après un très médiatisé témoignage enregistré par ladite instance, elle-même encore récemment accusée de mauvaise gouvernance.
En attendant, toutes sortes de théories du complot autour de l’arrestation encore mystérieuse de Belhassen Trabelsi fleurissent déjà sur le net, dont certaines vont jusqu’à imaginer une mise en scène, simulacre de capture, censée préparer le retour au pays du clan Ben Ali, avant de le blanchir en prévision des élections. D’où la nécessité, côté français, de communiquer au plus vite sur ce dossier extrêmement sensible pour les deux pays.
Seif Soudani
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