Annulation de la dette : c’est maintenant ou jamais !

 Annulation de la dette : c’est maintenant ou jamais !


En évoquant hier soir publiquement, dans son allocution, « l’annulation massive » de la dette des pays africains, le président français Emmanuel Macron a aussitôt créé une dynamique favorable à la réalisation de cette demande plus pressante que jamais des nations africaines. L’occasion ou jamais pour la Tunisie notamment, bientôt 10 ans après sa révolution, d’annuler les dettes contractées par l’ancien régime.



 


La France et l'Europe vont devoir aider l'Afrique à lutter contre le coronavirus en « annulant massivement sa dette », a déclaré lundi le président français. Il n'est pas le seul à plaider en ce sens.


Lors d'une allocution télévisée consacrée à la lutte contre le coronavirus, la quatrième en un mois, Emmanuel Macron a donc émis un message franc et direct sur cette question longtemps remise à plus tard, aujourd’hui vitale pour les pays du sud où l’épidémie progresse à grands pas, et où l’économie est éminemment tributaire de la santé économique de l’Occident.


 


« Nous pleurons les morts d'un même virus ! »


Ce fut même la formule forte qu’a choisie Macron pour clôturer son allocution. « Au-delà d'une refondation européenne, nous devons aussi savoir aider nos voisins d'Afrique à lutter contre le virus plus efficacement, les aider aussi sur le plan économique en annulant massivement leur dette. Nous ne gagnerons jamais seul. Renchérit-il. Parce qu'aujourd'hui à Bergame, Madrid, Bruxelles, Londres, Pékin, New York, Alger ou Dakar, nous pleurons les morts d'un même virus, a-t-il dit. Avant d'ajouter : Alors si notre monde sans doute se fragmentera, il est de notre responsabilité de bâtir dès aujourd'hui des solidarités et des coopérations nouvelles. »


Et le choix de citer la capitale sénégalaise, Dakar, n’est probablement pas innocent. « J’espère que ni le président Kais Saïed, ni le gouvernement d’Elyes Fakhfakh ne rateront l’occasion d’annuler nos dettes extérieures. Le président du Sénégal a annoncé depuis la semaine dernière une initiative pour le rééchelonnement de la dette extérieure des pays africains », rappelle aujourd’hui mardi OIfa Lamloum, chercheuse et directrice du bureau d'International Alert en Tunisie.


Hasard ou pas du calendrier, le président français faisait aussi écho à un appel solennel du pape François 24 heures plus tôt dans son message de Pâques, lu dans une basilique Saint-Pierre vide, « à ce  que soient relâchées les sanctions internationales qui empêchent aux pays qui en sont l’objet de fournir un soutien convenable à leurs citoyens », tout en appelant à la solidarité internationale « en réduisant, sinon carrément en annulant, la dette qui pèse sur les budgets des pays les plus pauvres ».


 


Repenser la « dette odieuse », une demande récurrente en Tunisie


Le 7 avril dernier, l’Observatoire tunisien de l’économie avait appelé à annuler le service de la dette des pays en voie de développement (PED) en 2020 afin de réduire les impacts économiques et sanitaire liés à la pandémie du Covid-19.


Selon le think-tank, cette annulation permettrait à la Tunisie de libérer quelques 6,6 milliards de dinars (soit l’équivalent du service de sa dette extérieure pour l’année 2020). « Ce montant représente 2,8 fois le budget annuel du Ministère de la Santé pour 2020 (2,5 milliards de dinars), ou encore 13,8 fois le budget annuel des établissements tunisiens de santé pour 2020 (478 millions de dinars) », soulignait l’Observatoire dans une lettre publiée à l’occasion de la Journée mondiale de la santé, en soutien à l’appel lancé par 100 organisations internationales pour annuler la dette extérieure des pays en développement.


L’organisme plaide même en faveur d’une « annulation permanente » de tous les paiements de la dette extérieure dus en 2020 par les pays en développement, sans accumulation d’intérêts et sans pénalités.


En Tunisie, huit gouvernements successifs n’ont pas réussi à convaincre totalement leurs partenaires européens à annuler les dettes contractées par l’ancien régime de Ben Ali, un régime pourtant connu pour ses biens mal-acquis, n’obtenant au mieux que des conversions en de négligeables dons ou investissements directs, assimilables en réalité au « blanchissement » de cette même dette.


« La Tunisie semble bien partie pour obtenir l’annulation de sa dette contractée auprès de la France », s’enthousiasmait dès juillet 2012 l’ancien président Moncef Marzouki depuis Paris.


Des députés tunisiens se sont également penchés sur un texte visant à remettre en cause la dette tunisienne, en invoquant le régime juridique de la « dette odieuse » en droit international, pour solder le passif des régimes précédents.


Selon la Banque mondiale, ce sont plus de 30,8 milliards de dinars (environ 10 milliards d’euros) que la Tunisie a emprunté depuis 1970, dont plus de la moitié sous la présidence Ben Ali, de 1987 à 2011. Si cette dette inclut des créanciers d'autres nationalités, la France reste néanmoins le premier créancier de la Tunisie.