Affaire Petrofac : derniers espoirs de sauvetage
Le groupe britannique de services pétroliers Petrofac s'apprêtait à cesser l'exploitation d'un site gazier en Tunisie en raison d'un conflit social qui paralyse depuis neuf mois son activité, au regret des autorités tunisiennes qui avaient tenté en vain en avril dernier la solution policière pour réprimer les grévistes. En première ligne du conflit, l’Union des Diplômés Chômeurs (UDC) pourrait cependant dans les toutes prochaines heures obtenir une sortie de crise favorable.
Petrofac a informé en milieu de semaine le gouvernement tunisien qu'il avait entamé les procédures de départ, y compris l'arrêt des salaires des travailleurs et l'arrêt des affaires techniques dans l'unité industrielle et dans le champ gazier de Chergui, a annoncé le porte-parole du gouvernement Chahed, Iyed Dahmani lors d'une conférence de presse.
Ils ont commencé les procédures aujourd'hui mais si nous voyons le moindre signe sur le terrain que les gens cherchent une solution, nous ferons l'impossible pour que Petrofac reste, a-t-il ajouté en référence aux protestataires.
Le directeur général de Petrofac en Tunisie, Imed Derouiche, n'a pas souhaité faire de commentaire, malgré nos multiples relances. Le chef du gouvernement Youssef Chahed avait plus tôt tenu une réunion de crise avec plusieurs de ses ministres pour tenter de trouver une solution au dossier brûlant de Petrofac.
En partenariat avec l'Etat tunisien qui détient 51% de l’entreprise à travers l’ETAP, Petrofac exploite le champ gazier de Chergui, au large des îles Kerkennah (sud-est), qui fournit 12% de la production nationale.
Cette production est toutefois à l'arrêt total depuis janvier 2016 en raison d'un conflit social, des manifestants réclamant des titularisations et des emplois permanents, selon la nouvelle ministre de l'Energie des Mines et des Energies renouvelables Hela Cheikhrouhou, qui se montre volontariste dans son souhait de résoudre le dossier, tant l’enjeu politique est grand.
Rappel des faits
La crise avait éclaté suite à l'arrêt d'un programme temporaire créé après la révolution de 2011, en grande partie financé par Petrofac au nom de la responsabilité sociale des entreprises. Dans le cadre de ce programme, des diplômés chômeurs ont été employés dans des institutions publiques et rémunérés par des compagnies pétrolières par le biais de l'Etat, avec néanmoins les minimas en matière de couverture sociale : disposer de contrat, d'assurance ou de retraite.
La société britannique a expliqué en début d'année ne plus pouvoir continuer à financer ce programme, et appelé l'Etat tunisien à « faire son travail » tout en affirmant via son avocat Nizar Ayed que « Petrofac n’est pas une association caritative ».
Une allusion au fait que Petrofac n’a pas cessé de payer les sit-inneurs depuis près d’un an « sans le moindre travail fourni en contrepartie » selon Ayed, tout en contribuant à hauteur d’1 million de dinars annuels, sous forme de dons, au financement de la municipalité.
Un timing désastreux
L'annonce du départ prochain de Petrofac intervient alors que la Tunisie, qui a pâti de l'inévitable instabilité économique post-révolutionnaire, cherche à attirer les investisseurs, la veille d’une grande conférence internationale sur ce thème en présence de plus d'un millier d'entreprises et d’investisseurs fin novembre prochain. Un nouveau code de l'investissement a été adopté en ce sens samedi dernier par l’Assemblée.
Environ 2500 entreprises étrangères ont quitté la Tunisie depuis 2011, soit près de 400 départs par an et 70 000 suppressions d’emplois, selon une source non gouvernementale. Officiellement, ce sont les investisseurs italiens qui sont en tête des pays abandonnant la Tunisie, suivis des français, des belges, et des allemands. Résultat, le dinar tunisien se dévalue à hauteur de 2,5dt pour 1 euro, et la Tunisie a reculé de 60 positions en 5 ans au classement de Davos en matière de compétitivité et de garanties d’investissement.
Au moment où nous écrivons ces lignes, le jeune syndicaliste Ahmed Souissi, responsable local de l’UDC, réuni au siège de la délégation de Kerkennah avec des représentants gouvernementaux, nous assure qu’un accord de dernière minute pourrait être signé dans les prochaines heures pour régulariser la situation de près de 250 employés de Petrofac.
Seif Soudani