Affaire Gharsalli : le ministère des Affaires étrangères lève partiellement la confusion

 Affaire Gharsalli : le ministère des Affaires étrangères lève partiellement la confusion

Najem Gharsalli recevant de Béji Caïd Essebsi ses lettres de créances d’ambassadeur


Une source autorisée au ministère des Affaires étrangères a révélé ce weekend que « Mohamed Najem Gharsalli avait été démis de son poste d'ambassadeur de Tunisie au Maroc depuis fin octobre dernier ». Si le département n'évoque pas les motifs de cette décision, elles semblent toutefois assez claires. Décryptage. 


Rappel des faits


Enorme cafouillage vendredi 3 novembre : la rumeur d’un mandat de dépôt émis par une cour militaire à l’encontre de Najem Gharsalli, ambassadeur en exercice à Rabat, se répand telle une trainée de poudre. L’ensemble des médias nationaux reprend en chœur ce qui s’apparente à un scandale retentissent d’une nature inédite dans l’histoire de la République tunisienne.


Mais très vite, un certain nombre de juristes mettent en doute la véracité de l’info : c’est que Gharsalli est non seulement ancien gouverneur, ancien ministre de l’Intérieur, diplomate, mais aussi ancien magistrat au Tribunal de Kasserine du temps de l’ancien régime. A ce titre, à supposer que l’intéressé ait perdu sa qualité de diplomate, il lui resterait son immunité en tant que juge qui interdirait toute procédure d’incarcération.     


Vendredi après-midi, Najem Gharsalli réagit : il contacte les médias pour démentir en affirmant se trouver chez lui à Tunis, et n’avoir été entendu dans l’affaire Jarraya qu’en tant que témoin.


Vendredi toujours, en fin de journée (18h20), c’est au tour du ministère des Affaires étrangères de réagir face à l’ampleur de l’affaire via une source officielle mais discrète, par le biais d’une tardive dépêche TAP. Mais visiblement embarrassé, le département ne fait que lever de façon partielle le voile sur l’imbroglio politico-judiciaire.


 


Gharsalli a-t-il été limogé le 31 octobre ?  


On peut lire dans la laconique brève de l’agence d’information que Najem Gharsalli avait en réalité été auditionné dès le jeudi 2 novembre par le juge d’instruction militaire en tant que témoin, dans une affaire classée comme étant liée à la sûreté de l’Etat et dans laquelle l’ancien Directeur Général des services spécialisés, Imed Achour, est actuellement en prison en attendant la fin de l’instruction.


On peut aussi y lire la vague et peu vraisemblable date de « fin octobre », donnée a posteriori par le ministère de tutelle comme étant la date de limogeage de Gharsalli, rapatrié de Rabat à Tunis. Il est en effet peu probable que l’ambassadeur tunisien ait été remercié avant sa convocation par la justice, à moins que l’exécutif n’ait eu vent des détails du dossier et qu’il n’ait été convaincu par la gravité des faits présumés reprochés à l’ambassadeur.


Ce que nous savons avec certitude à ce jour est que l’autre témoin dans la même affaire, l’ancien chef du gouvernement Habib Essid, a donné une version des faits qui contredit celle de son ministre de l’Intérieur de l’époque Gharsalli, quant à la mise à contribution de Chafik Jarraya dans une mission par l’ancien gouvernement Essid.


Véritable affaire phare de la « guerre anticorruption » menée par Youssef Chahed, l’affaire Jarraya, initialement relative à un trafic d’armes, est en passe de devenir une affaire d’Etat où il s’agit, pour les détracteurs de la politique gouvernementale, de procéder selon le modèle saoudien à un règlement de comptes entre adversaires politiques, sous couvert de lutte anticorruption.


Aujourd’hui lundi, Imed Khaskhoussi, membre du Conseil supérieur de la magistrature, a cependant nié que le CSM ait reçu une quelconque demande de levée de l’immunité de Gharsalli, ce qui laisse à penser que l’Etat tunisien veille à un préserver un minimum de dignité à ses anciens ministres, au nom du prestige de l’Etat…


En attendant, l’ancien gouverneur de Tunis et ancien ministre de la Justice, Omar Mansour, figurerait parmi la liste des favoris pour remplacer Najem Ghasalli en tant qu’ambassadeur de Tunisie au Maroc.


 


Seif Soudani