A Paris, mobilisation pour « un plan Marshall » en faveur de la Tunisie

 A Paris, mobilisation pour « un plan Marshall » en faveur de la Tunisie

Au centre


Les entrées touristiques ont reculé de 3%, passant de 3 005 825 touristes, du 1er janvier au 31 août 2015, à 2 915 242, lors de la même période de 2016, et de 31,7% par rapport à la même période de 2014. Cette hémorragie d’un secteur vital pour l’économie tunisienne est l’une des raisons pour lesquelles a été organisé hier jeudi 15 septembre à Paris un appel pour une mobilisation internationale en faveur de la Tunisie, « un plan Marshall » doté de 20 milliards d’euros sur cinq ans. D’autres capitales abriteront dans la prochaine période des rencontres similaires.  




 


En 2015, la Tunisie avait enregistré une croissance de 0,8%, contre 2,7%, en 2014, selon les données de la Banque mondiale. Le taux de chômage reste particulièrement élevé, à plus de 15% de la population active, principalement chez les jeunes qu’ils soient ou non diplômés.


« Ce serait une folie de ne pas soutenir la Tunisie ! » a déclaré en marge de ce meeting l’ancien Premier ministre de droite et président de la Commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées du Sénat, Jean-Pierre Raffarin. Une formule phare reprise en chœur par les médias nationaux.


 « La situation est grave » et tout ce que la Tunisie représente – transition réussie vers la démocratie, proximité avec l’Europe, principe d’égalité entre hommes et femmes – en fait une « cible exposée dans une région extrêmement troublée », a ajouté Raffarin.


L’appel en question a d’ores et déjà été signé par de nombreuses personnalités publiques tunisiennes, françaises et internationales. Il fut lancé à l’initiative du think tank tunisien le Cercle Kheireddine, récemment également à l’origine de l’invitation de Dominique Strauss-Kahn à Tunis, en mars dernier, pour débattre avec la chambre patronale tunisienne UTICA.  


Cette fois le Cercle des Economistes et la Fondation Prospective & Innovation se sont joint à l’initiative, en collaboration avec l’Association des Tunisiens des Grandes Ecoles (ATUGE), l’Association pour la Recherche sur la Transition Démocratique, l’Initiative pour le Développement Economique et Social et Tunisian American Young Professionals. Tous disent globalement faire confiance au nouveau gouvernement dit « d’union nationale » du jeune Youssef Chahed, mais à tendance libérale.


Son but est d’inciter à une mobilisation de la communauté internationale en faveur de la Tunisie, et ce à quelques semaines de la Conférence internationale des investisseurs et bailleurs, un évènement dont l’organisation en elle-même coûtera près de 5 millions de dinars (plus de 2 millions d’euros). Ci-dessous le texte de l’appel publié sur le site du Cercle Kheireddine :


 


« Le peuple tunisien a, par la seule force de ses convictions, réalisé en janvier 2011 une révolution pacifique au cours de laquelle les slogans lancés ont puisé leurs sources dans les valeurs universelles de liberté de dignité et de justice sociale. Il a fait preuve depuis lors d’une maturité exceptionnelle dans la gestion de la transition, comme l’illustre le Prix Nobel de la Paix attribué aux quatre principales organisations de la société civile tunisienne ayant parrainé le dialogue national.


En mai 2011, des économistes de plusieurs pays ont signé l’appel pour un soutien du G 8 au programme de développement économique et social tunisien. La communauté internationale était appelée à être au rendez-vous de l’histoire et à considérer la Révolution tunisienne comme un bien public mondial.


Cinq ans plus tard, alors que la Tunisie a consolidé sa transition démocratique et continue de bénéficier d’un fort courant de sympathie, l’appui de la communauté internationale a été pour le moins parcimonieux.


Nous avons pourtant la responsabilité collective de faire en sorte que cette transition réussisse et de prouver que la coopération économique est la meilleure barrière contre les extrémismes.


Il est donc essentiel que la communauté internationale marque sa solidarité avec la Tunisie pour qu’elle puisse être et demeurer un exemple à suivre en matière de changement social, économique et démocratique pour l’ensemble de la région et au-delà.


Le risque auquel nous avons à faire face aujourd’hui est celui d’une mauvaise coordination des actions; le risque que le reste du monde attende que la Tunisie ait achevé sa transition pour l’aider, alors qu’elle a besoin de cette aide pour réussir cette transition. Sur le plan économique, les transitions démocratiques engendrent souvent une perte de croissance avant une reprise. Celle-ci tarde cependant à venir.


La Tunisie a besoin d’un engagement international afin d’éviter que cette phase récessive ne dure trop longtemps, ce que ni son économie, ni sa société ne peuvent endurer. La Révolution n’a certes pas de prix, mais elle a un coût. La situation sécuritaire reste encore fragile et la situation économique s’est détériorée, ce qui a amené les agences internationales de notation à dégrader la Tunisie.


Aujourd’hui, la transition démocratique en Tunisie est à la croisée des chemins, avec un certain nombre d’acquis enregistrés, mais également des menaces qui pourraient avoir de graves conséquences, non seulement pour la Tunisie, mais aussi pour la région euro-méditerranéenne.


Les derniers attentats terroristes qui ont endeuillé les deux rives de la méditerranée, la vague migratoire sans précédent qui submerge l’Europe, nous rappellent qu’au-delà de la contingence de nos intérêts, doit prévaloir la communauté de nos destins.


Dans ce contexte, le Plan de développement économique et social 2016-2020 est venu fixer des objectifs ambitieux mais réalistes, car la Révolution a brisé le «plafond de verre de l’anti-démocratie» qui faisait perdre à la Tunisie plusieurs points de croissance.


Ce  Plan  comprend  un  vaste  programme  d’actions  et  de  réformes  qui  devront  permettre  d’engager un nouveau modèle de développement, plus équilibré régionalement, plus inclusif socialement et plus ambitieux en terme d’intégration internationale. Il vise fondamentalement à préserver le modèle sociétal tunisien bâti sur l’autorité de l’Etat de droit, la démocratie, le rôle central joué par les femmes, la quête de plus de justice sociale et de libertés individuelles et une éducation fondée sur des valeurs universelles et porteuse de modernité.


Ce Plan prévoit en particulier un effort massif d’investissements publics et privés. Les besoins de financement sont de l’ordre de 60 milliards d’euros sur 5 ans. Pour y faire face, la Tunisie comptera tout d’abord sur ses propres forces. L’épargne nationale couvrira 60 % des besoins, mais elle aura besoin inévitablement de financements extérieurs.


Nous appelons aujourd’hui la communauté internationale, à soutenir la transition en Tunisie et plus précisément à soutenir une feuille de route qui serait élaborée et conduite par la Tunisie; feuille de route qui identifierait clairement les acteurs impliqués et les montants à mobiliser. Plus précisément, nous appelons la communauté internationale à mettre en œuvre :


• Un programme de soutien international doté de 20 milliards d’euros sur 5 ans.


• Une déclaration claire sur les modalités de mobilisation et de coordination entre les différentes institutions financières (FMI, Banque mondiale, BERD, BEI, BAD et BID) afin qu’elles puissent contribuer de manière optimale à la croissance et à la restructuration de l’économie tunisienne.


•  Un  engagement,  à  titre  individuel,  des  pays  européens  d’appuyer  l’obtention  pour  la Tunisie du statut de partenaire associé de l’Union européenne avec un plein accès aux fonds structurels européens.


La Tunisie serait ainsi définitivement engagée dans un processus de transition historique avec son  volet  politique  de  construction  d’une  démocratie  moderniste  et  son  volet  économique  et  social  basé  sur  un  plan  de  développement  ambitieux.  La  communauté  internationale  dans son ensemble est invitée à se mobiliser rapidement pour contribuer à la réussite de ce processus  dans  le  cadre  d’un  authentique  partenariat  qui  aura  des  répercussions  internes  et  externes,  importantes  en  favorisant  une  transition  démocratique  allant  dans  le  sens  de  l’ouverture et de la modernité et conduisant à plus de prospérité pour la Tunisie et pour la région euro- méditerranéenne ».


 


S.S