A Monastir, la nostalgie du régime présidentialiste

 A Monastir, la nostalgie du régime présidentialiste


La présidence de la République commémorait mercredi 6 avril la disparition du « despote éclairé » Habib Bourguiba dans son fief natal de Monastir. C’est avec une ostentation sans précédent que ces seizièmes commémorations ont été célébrées par Béji Caïd Essebsi, particulièrement dans son élément dès lors qu’il s’agit de raviver l’esprit du bourguibisme, jusqu’à verser dans un certain archaïsme. Sur place, ambiance années 70.




 


« Enième visite à Monastir, pour un président qui depuis son investiture n’a toujours visité ni Ben Guerdane, ni aucune région du sud ou hors Sahel », font remarquer des internautes désabusés. « 16ème commémoration de son absence aux funérailles de Bourguiba », ironisent d’autres, qui rappellent qu’Essebsi n’avait pas pris part aux funérailles de l’an 2000 alors étroitement quadrillées par l’ancien dictateur Ben Ali.   


Pas moins de 40 photos de la visite postées par la page officielle de la présidence, visiblement soucieuse de marquer le coup. Sur place, c’est pourtant raté pour le bain de foule : non seulement le bientôt nonagénaire président est tenu à distance des badauds applaudissant son passage, mais des hommes cagoulés des forces spéciales, armes lourdes à la main, assurent le passage du cortège sur le tapis rouge.  


Pour accompagner le président Essebsi lors de ce circuit, le nouveau gouverneur de Monastir en uniforme, Adel Khabthani, ex membre du cabinet de Najem Gharsalli chargé des relations avec les partis et la société civile. Khabthani fut impliqué après la révolution dans une affaire de litige foncier, et avait écopé de 4 mois de prison en 2011.


 


Un culte de la personnalité mimétique


En plus du portrait géant, du buste doré et du recueillement à l’intérieur du mausolée, étapes habituelles d’un rituel bien réglé, une nouvelle escale a été observée devant la nouvelle statue en bronze à l’effigie de Bourguiba.


Aujourd’hui jeudi, de faibles quantités de pluie ont causé l’inondation des accès aux facultés de Monastir, déplorent des étudiants en médecine dentaire qui regrettent que les fonds alloués aux festivités autour du « combattant suprême » n’aient pas plutôt profité aux infrastructures les plus élémentaires de la ville.  


A mesure que le pays s’enfonce dans la crise économique, l’actuelle présidence de la République s’entête à invoquer la paternaliste figure du passé de Bourguiba, comme pour conjurer le sort en remobilisant une gloire passée ou la genèse de l’Etat moderne associée au « père de la nation ».


Cela serait anecdotique si le volet symbolique n’était pas accompagné d’un volet institutionnel plus dramatique pour la jeune démocratie tunisienne : lors de sa dernière interview accordée aux médias nationaux, Béji Caïd Essebsi s’est dit en faveur d’un amendement de la nouvelle Constitution en vue de conférer des prérogatives plus larges au président de la République, projet d’amendement déposé par Nidaa Tounes. On ne se refait pas.


 


Seif Soudani