A 78 ans, Rached Ghannouchi devient président du Parlement

 A 78 ans, Rached Ghannouchi devient président du Parlement


Le chef d’Ennahdha, Rached Ghannouchi, a été élu mercredi soir au cours de la séance inaugurale de la législature 2019-2024, président de l’Assemblée des représentants du peuple (ARP) par 123 voix (sur les 109 nécessaires à la majorité absolue). Figure clivante et bientôt octogénaire, ce chef historique de l’islam politique tunisien quoique réformé, est loin de faire l’unanimité chez les Tunisiens.   



 


En lice pour cette fonction tant convoitée de la IIème République, quatre députés avaient présenté leurs candidatures au poste de président de l’Assemblée : Rached Ghannouchi, Ghazi Chaouachi (Courant démocrate-Attayar, seul rival relativement sérieux), le jeune Marouane Felfel (Tahya Tounes), et Abir Moussi (Parti destourien libre, issu du RCD dissout).


Très distancé, l’avocat et homme d’affaires Ghazi Chaouachi n’a finalement obtenu que 45 voix, Marouane Felfel (35 ans) simplement 18 voix, et Abir Moussi 21 voix.


 


« Réhabiliter l’institution législative », mais avec qui ?


Lors de sa première déclaration aux médias en tant que président de l’Assemblée, Rached Ghannouchi a affirmé que « L’ARP est le centre du pouvoir en Tunisie, son système étant essentiellement parlementaire », et qu’il concentrera ses efforts sur cette institution, « le centre de la législation, de la vie politique et tout ce qui a trait au système de l’Etat ». D’où son souci de « réhabiliter l’institution législative, qui incarne le pouvoir du peuple, la représentation directe par la démocratie, et rapproche du pouvoir les gens qui le détiennent de fait ».


En clair, en vieux briscard de la politique, l’homme a conscience que le vote sanction des Tunisiens lors des scrutins présidentiel et législatif d’octobre 2019 était aussi dirigé contre le Parlement dans son ensemble, devenu chez l’opinion publique ces dernières années le symbole d’une politique de métier, de "tourisme parlementaire", de clientélisme et de toutes sortes de privilèges et de soupçons de corruption.  


D’où d’ailleurs la majorité fragile et érodée acquise cette fois par le parti Ennahdha, qui avec 52 sièges (moins du quart des sièges de l’ARP) fut contraint hier mardi de dévoiler les contorsions auxquelles il a dû se résoudre pour obtenir les voix nécessaires à l’élection de Ghannouchi. Numériquement, cela était en effet impossible sans l’appui tabou et éthiquement problématique de Qalb Tounes, parti symbole de l’affairisme, avec lequel les caciques d’Ennahdha avaient juré leurs grands dieux qu’ils ne négocieraient jamais… Mais le pouvoir a ses raisons que la raison ignore.


La manœuvre n’est pas sans rappeler la très pragmatique alliance en son temps d’Ennahdha avec Nidaa Tounes. Les mêmes causes produisant les mêmes effets, un hiver social très chaud pourrait donc rapidement se rappeler au bon souvenir des récidivistes de la politique politicienne.


 


Samira Chaouachi, élue in extremis


Autre moment fort nocturne de la séance inaugurale du 13 novembre, de justesse, Samira Chaouachi, députée Qalb Tounes, a été élue première vice-présidente de l’Assemblée, avec le minimum syndical : 109 voix, soit juste ce qu’il faut, à une voix près, a annoncé Meriem Ben Belgacem, second assistant du président de la séance.


Cette élégante quadragénaire comme aiment à la qualifier ses admirateurs est la cible de virulentes critiques lui reprochant de symboliser l’intéressement partisan, après qu’elle soit notamment passée par la case Al Moubadara, puis surtout par celle de secrétaire générale de l’UPL de l’homme d’affaires en fuite Slim Riahi, il y a encore tout juste 7 mois.


Le second candidat au même poste, Abdelrazzak Aouidat, du Mouvement Echaab (nationalisme arabe), n’a pu recueillir que 48 voix. Le nombre de suffrages exprimés était cependant de 157(sur 217) à la tombée de la nuit, dont 17 bulletins nuls et 29 bulletins blancs.


La session plénière de l’Assemblée des représentants du peuple poursuivra ses travaux aujourd’hui jeudi à partir de 14h00, pour élire cette fois le deuxième vice-président de l’ARP parmi les candidats Yousri Dali de la coalition Al Karama (droite radicale souverainiste), l’avocate Leila Haddad du Mouvement Echaab, et Tarek Ftiti (ex Nidaa Tounes, devenu indépendant, du Bloc national de la réforme).