Tunisie. 2011 revisité par le photographe Hamideddine Bouali

 Tunisie. 2011 revisité par le photographe Hamideddine Bouali

Hamideddine Bouali. Photo Ahmed Megdiche

A Tunis, il est l’un des doyens respectés du monde de la photo. A 60 ans, Hamideddine Bouali est une figure charismatique qui a inspiré et formé plusieurs générations de photographes. Au lendemain des commémorations du 10e anniversaire de la révolution tunisienne, il publie aujourd’hui « L’année deux mille onze en Tunisie dans les archives d’un photographe, 1 récit et 250 photographies ».

 

Né et résident à Tunis depuis 1961, Bouali exerce dans le domaine de la photographie depuis ses vingt ans, avec à son actif près d’une vingtaine d’expositions individuelles. Animateur, formateur, membre de jurys, directeur de stages et commissaire d’exposition, il est notamment connu pour avoir fondé en 2010 le Club Photo de Tunis, devenu depuis un lieu incontournable pour les amateurs de la photographie.

Une passion en plein essor précisément depuis le tumulte révolutionnaire de 2011 qui a ouvert le champ des possibles, qu’il s’agisse de couverture journalistique ou de pure création artistique.

Le choix assumé de l’autoédition

« J’ai choisi cette formule à défaut d’un éditeur traditionnel », nous explique le photographe en nous remettant une copie de l’ouvrage comptant 226 pages bientôt en vente en version papier sur Amazon, en sus de la version numérique déjà disponible à la vente sur le même site.

« J’ignore ce qu’il en est des autres moyens d’expression, mais j’estime qu’à chaque sollicitation de l’acte photographique, toute la logique qui en découle est remise en question. Qu’est-ce qu’un sujet ? Pourquoi choisir ce moment-là en particulier ? Ai-je le droit de prendre cette vue ? Qui va regarder cette photo ? Quelle latitude m’est-il permis d’avoir : me contenter de rapporter, illustrer sans influencer ou m’exprimer pour avancer une idée ? Après une quarantaine d’années de pratique de l’acte photographique […] j’en reviens au point de départ », s’y confie l’auteur qui entraîne avec lui, non sans une certaine humilité, le lecteur – spectateur dans l’intimité des dilemmes du photographe.

 

Car plus qu’un simple florilège de photos ou une série de choix éditoriaux, l’ouvrage est constamment ponctué par une introspection critique sur le sens de l’engagement, mais aussi par un travail de conceptualisation de l’art de la photo, verbalisé en une série de récits :

« Que pourrait mieux souhaiter un photographe comme cadeau d’anniversaire pour ses 50 ans, qu’un évènement planétaire à portée de main », s’interroge rhétoriquement Hamideddine Bouali, avant de poursuivre plus loin :

« Je m’arrêtai alors de faire des commentaires à caractère politique sur Facebook et je décidai de faire ce que je savais faire sans trop me tromper : photographier ».

Conscient d’avoir eu le privilège de la primeur à plusieurs reprises, l’auteur tempère cependant : « Le présent ouvrage est un album d’images qui n’a pas l’ambition de raconter d’une manière exhaustive le déroulement des évènements de l’année 2011. Bon nombre de faits se sont déroulés simultanément, d’autres ont eu lieu sans préavis et certains exigeaient un laisser-passer spécial. Si j’ai pu accéder à quelques lieux officiels : le siège de la Présidence du gouvernement, le bâtiment de l’Assemblée nationale constituante ou le centre de l’Instance supérieure indépendante des élections, c’est grâce à ma collaboration avec Demotix, une agence-banque d’images basée à Londres ».

Médaille d’or à l’exposition internationale de photographie de Bagdad, Prix d’encouragement au 51e Salon international de la photographie de Tokyo, Grand Prix du concours organisé par Le Fonds Méditerranéen pour les femmes, Prix « Lucien Clergue », les œuvres de Bouali ont entre autres été acquises par des collectionneurs privés, par l’État tunisien, Amnesty International et par le Musée de la Photographie de Bièvre en France.

Il a par ailleurs reçu en 2008 le Prix National des Arts et des lettres en photographie. En 2015 sa notice biographique est publiée dans le dictionnaire mondial de la photographie édité aux États-Unis par Thames-Hudson. Il est aujourd’hui chargé de la formation photo à la Maison de l’Image.

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Photo Seif Soudani / LCDA