Tunisie. 10ème commémoration de l’assassinat de Chokri Belaïd, un crime toujours non élucidé
Une décennie s’est écoulée depuis que le leader de la gauche radicale Chokri Belaïd a été abattu par balles en bas d’un immeuble où résidait son ex épouse à el Menzah. Un assassinat politique dont les conséquences sur la transition démocratique du pays perdurent encore à ce jour.
Il y a 10 ans, les funérailles de Belaïd avaient mobilisé un nombre record de Tunisiens dans la rue
Sept gouvernements plus tard et plusieurs comités et commissions plus tard ont certes pu avancer dans l’élucidation du dossier : le tueur présumé, Kamel Gadhgadhi, fut abattu lors de l’opération dite de Raoued menée par un commando de 150 hommes de la Brigade antiterroriste (BAT), certaines connexions avec l’islam politique ont bien été établies, mais comme pour la majorité des assassinats politiques de ce type, établir la vérité entière sur les commanditaires relève de la gageure.
Instrumentalisation de la mémoire
L’actuel pouvoir, celui du président Kais Saïed, ne déroge pas à la règle en promettant de faire la lumière sur cette affaire, du moins s’en emparer, mais à des fins manifestement politiciennes. Ainsi en soutien au « processus de révélation de la vérité sur l’assassinat des deux martyrs Chokri Belaid et Mohamed Brahmi, la ministre de la Justice Leila Jaffal a annoncé hier 6 février 2023, la création d’un Comité spécial travaillant sous la supervision directe de la ministre, et chargé du suivi du dossier de l’assassinat de deux politiciens ».
Ayant fait de l’éradication de la partie supposément corrompue de la magistrature son cheval de bataille, « les responsables et quiconque impliqué dans l’obstruction au déroulement de l’enquête ou chercheraient à dissimuler des preuves ou influencer le processus judiciaire en cours seront jugés », prévient le département qui obéit de façon directe à Carthage.
La ministre a par ailleurs autorisé une mission d’inspection judiciaire et administrative intégrale des dossiers relatifs à l’assassinat des deux martyrs, afin de « superviser le bon déroulement des procédures », précise un communiqué du ministère. « Un énième effet d’annonce » pour l’opposition qui s’indigne du goût du régime en place pour les dates symboliques, le pouvoir ayant attendu ce 6 février pour agir.
Le 6 février 2017, une plaque commémorative rendant hommage sur la place Chokri Belaïd est dévoilée à l’occasion de l’anniversaire de sa mort. Elle suscita déjà une polémique du fait d’une mise en avant du nom du président de la République tunisienne de l’époque sur cette plaque, donnant ainsi l’impression d’être avant tout un hommage à Béji Caïd Essebsi qui voit son nom inscrit en grandes lettres d’or alors que celui de Belaïd est mentionné en plus petits caractères. La présidence avait alors fini par modifier la plaque en question.