Tribune – Syrie. De l’aide, vite !
Une semaine après le violent séisme qui a frappé la Turquie et la Syrie, le bilan s’élève à plus de 33 000 morts et devrait doubler avertit l’ONU. A l’heure où l’aide humanitaire se heurte en Syrie, en guerre depuis douze ans, à des difficultés logistiques, politiques et diplomatiques, Diane Antakli, déléguée générale de l’ONG Baroudeurs de l’Espoir, qui se trouvait dans la zone sinistrée au moment du tremblement de terre, témoigne dans cette tribune de l’urgence d’agir.
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Une première secousse et les maisons d’Alep déjà fragilisées par 12 ans de guerre vacillent ou s’effondrent sous la violence des vibrations. Il est un peu plus de 4h ce lundi 6 février 2023, un séisme de magnitude 7,8 vient de frapper la Turquie et la Syrie.
Dans les rues d’Alep, c’est une nuit d’apocalypse qui commence. Une seconde réplique tout aussi violente que la première entraîne le déferlement d’une marée humaine dans les rues. On court, on hurle, on saute dans les voitures. Disparaître, fuir à tout prix.
Le temps s’est figé et seule la Terre va désormais reprendre ses droits. Ceux des Aleppins, ceux de tout un peuple syrien ont été volés depuis longtemps, les laissant bien avant ce séisme, dans une vie de misère et de privations. Une à deux heures tout au plus d’électricité par jour, pas de chauffage, pas d’eau chaude. Un salaire mensuel qui permet tout au plus d’acheter quelques galettes de pain et du concentré de tomates.
Au chiffre impensable de 12 millions de personnes en état de famine vient désormais s’ajouter celui de 5,3 millions de personnes sans toit.
C’est une course contre la mort qui s’est déclenchée depuis ce lundi. Tenter d’extraire, bien souvent à mains nues, les blessés des décombres, dans un pays où les infrastructures se sont effondrées. Soigner les blessés alors que plus de la moitié des hôpitaux ont été détruits et que ceux, encore debout, manquent de tout matériel d’urgence. Fournir une assistance aux Syriens qui ont quitté en pyjama leur maison et qui se retrouvent à la rue, sous une pluie battante, par des températures atteignant les -6 degrés, la nuit.
A Alep, la solidarité locale s’est immédiatement organisée. Les églises, les mosquées, les écoles, les stades couverts sont devenus des “shelters”, ces hébergements d’urgence. Certains ont préféré passer les premières nuits dans leur voiture ou dans des jardins publics, par peur que le ciel ne leur tombe à nouveau sur la tête.
L’aide se met en place, dans un contexte où ce qui était considéré comme prioritaire la minute d’avant devient secondaire. Soigner, nourrir, mettre au chaud bien sûr. Mais aussi trouver de nouveaux points d’eau alors que de nombreux quartiers en ont été coupés et réagir à l’épidémie de choléra qui menace de réapparaître.
Apporter une aide humanitaire dans un territoire en guerre est complexe, apporter une aide dans un pays partitionné par la guerre relève de l’impossible. Il est alors urgent de marteler encore et encore et encore que l’aide doit être apportée, partout et pour tous les Syriens.
Le directeur général de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) est arrivé ce samedi à Alep. Il s’agit de la première visite en Syrie d’un haut responsable onusien depuis le séisme dévastateur. Devant l’ampleur de la catastrophe, devant l’ampleur du désespoir sans nom d’une population martyrisée par des années de souffrance, il a annoncé un soutien pour apporter des fournitures d’urgence et notamment celles prévues pour la gestion des traumatismes. Car viendra le temps où le travail des humanitaires sera aussi celui de panser les plaies psychologiques rendues béantes par ces multiples traumas.
Rassurer Christo, 4 ans et demi, qui demande toutes les heures à sa maman quand les dinosaures vont revenir faire bouger la terre parce que les dinosaures sont sa plus grande peur. Trouver les mots pour Joëlle, 15 ans, qui ne peut plus (de nouveau) descendre dans les escaliers toute seule, se laver seule, dormir seule et qui sanglote comme un bébé dans les bras de sa maman en lui disant que “c’est trop pour elle et qu’elle ne peut plus endurer tout ça”.
Comprendre la terreur d’Odette, 30 ans, qui vit depuis lundi avec un sifflet dans sa poche, au cas où elle se retrouverait ensevelie à la suite d’une réplique. Accueillir la douleur de Georgina, maman de la petite Pamie, blessée à la jambe pendant la guerre, qui m’a avoué cette nuit-là qu’elle avait pris sa fille dans les bras et qu’elle avait hurlé au ciel d’arrêter tout ça.
Je lui ai demandé si le génie de la lampe magique apparaissait, ce qu’elle lui demanderait. Si je connais aujourd’hui la réponse des Syriens qui, à chaque avion qui passe dans le ciel, agitent grand leurs bras et les implorent de venir les sortir de cet enfer, elle m’a répondu doucement : “Albi mettamen”, la paix pour mon cœur.
Diane Antakli
Déléguée Générale de l’ONG Baroudeurs de l’Espoir – urgence-syrie.bdle.org