Tribune – Marseille. Quatre ans après le drame rien n’a changé

 Tribune – Marseille. Quatre ans après le drame rien n’a changé

Pancarte comportant les photographies des victimes de l’effondrement des 2 immeubles de la rue d’Aubagne à Marseille, survenu en novembre 2018.

Présidente de l’association ‘“Marseille en Colère!” Kaouther Ben Mohamed se fend d’une tribune pour dénoncer, quatre ans après le drame de la rue d’Aubagne, l’inertie des pouvoirs publics face aux logements indignes, toujours pas rénovés, qui continuent d’héberger des gens en situation de précarité dans la cité phocéenne.

 

Le 5 novembre 2018, les 63 et 65 rue d’Aubagne se sont effondrés sur 8 innocents, causant leur mort et le traumatisme des Marseillais, mais aussi plus largement de notre pays.

Ce drame a levé le voile sur l’insécurité générale qui règne depuis des décennies sur une partie du parc immobilier à Marseille, un danger qu’aucun élu, tous bords confondus, ne pouvait ignorer.

Comme un rappel, le rapport Nicol, remis en 2015 au ministère du Logement, a révélé que 100 000 Marseillais vivaient dans 40 000 logements insalubres. Pour autant, aucune mesure à la hauteur de cette effroyable réalité n’a été prise suite à ce constat sans appel.

Depuis l’hécatombe de l’effondrement de ces deux immeubles, au moins 8 000 foyers et 800 immeubles ont été évacués. Ces évacuations restent efficientes : en moyenne, 50 foyers sont évacués tous les mois.

Ce péril sur la ville est dû aux propriétaires dits “défectueux”, aux marchands de sommeil, en augmentation constante, qui contournent les lois en toute impunité. La mairie, peu importe son bord, est aussi responsable puisque la gestion du péril et des travaux d’office en cas de défaillance du propriétaire est de sa compétence exclusive.

Des centaines de familles vivent encore en insécurité au sein d’immeubles sous arrêtés de périls : la mairie et la préfecture sont au fait puisque le péril structurel est délivré par l’adjoint au logement et le sanitaire par le préfet.

Quelques-uns de ces immeubles situés dans le 3ème arrondissement, le plus pauvre d’Europe (INSEE), ne sont ni mis en sécurité ni rénovés car les entreprises ne peuvent y accéder à cause du trafic de stupéfiants.

Près de 300 foyers vivent donc sous arrêtés de péril structurel et sanitaire depuis juin 2021, et les travaux ne sont pas réalisés car les pouvoirs publics détournent le regard. La situation est complexe, mais leur responsabilité n’est-elle pas de protéger nos concitoyens, en particulier les plus vulnérables, exposés à ces dangers quotidiens ?

Dans un passé proche, nous trouvions des solutions collectives à ce type de cas lors des instances de concertation et de co-construction des dispositifs de protection et d’accompagnement des victimes de mal-logement et de péril que nous avions réussi à imposer à l’ancienne majorité. Elles ont disparu avec l’arrivée de la nouvelle majorité en 2020.

Ces espaces de travail entre politiques et associations ont permis la création de la “Charte de relogement”, unique en France, qui garantit une prise en charge immédiate de tous les foyers évacués.

Le ministre Julien Denormandie s’était réellement engagé sur cette question et a régulièrement rencontré les associatifs et les concernés, répondant à certaines de nos doléances. Il est l’architecte qui a permis que le logement fasse partie intégrante du plan “Grand Marseille”, plan annoncé en grandes pompes par le président lui-même, mais dont les mesures tardent à être réellement mises en place.

Il est nécessaire que Mr Olivier Klein, ministre délégué de la Ville et du Logement, se saisisse de ce dossier et nous rencontre afin de relancer le travail avec les acteurs de terrain, plus au fait que n’importe quel service administratif de la réalité de la ville et de son habitat.

L’habitat indigne est la conséquence directe de la spéculation immobilière qui ne permet plus aux habitants de notre pays de se loger. Les logements dignes accessibles sont en grande carence au sein de toutes les villes de notre pays. Nous ne pouvons plus laisser les familles françaises livrées à elles-mêmes face à ce fléau ! L’application du “permis de louer” doit être immédiate sur tout le territoire et l’encadrement des loyers une priorité nationale ! Il y a urgence, particulièrement en cette période d’inflation historique !

Parce que le drame du logement indigne et indécent n’est pas exclusif à Marseille, qu’il est un fléau national qui mérite toutes les attentions et un courage politique hors norme, plus que jamais nécessaires pour assurer la sécurité des millions de foyers qui en sont victimes,

Parce que j’ai fondé, pour les concernés, familles évacuées et mal-logées, l’association “Marseille en Colère!” suite à ce drame et à la réalité brutale de l’état du bâti dans ma ville, dans mon pays,

Parce qu’il s’agit de leur combat, de leur vie et de celles de leurs enfants, Parce qu’elles ont droit à la dignité, Parce que je ne tolère aucune instrumentalisation politique de leur sort, Et parce que nous devons gagner ce combat pour nos huit morts, nos huit innocents et aux millions d’autres innocents victimes de mal-logement,

Ce 5 novembre, comme chaque année depuis 4 ans, nous “Marseillais en colère” ainsi que toutes les bonnes volontés, organisions l’hommage aux 8 victimes aux côtés des partisans d’un vrai vivre-ensemble, unis autour de cette cause nationale.

Kaouther Ben Mohamed, présidente fondatrice de l’association « Marseille en colère! », chroniqueuse télé et radio.

 

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