Tracking : la Tunisie adopte l’application de suivi « Ehmi »
Plutôt discrètement, l’info est officialisée lundi 18 mai à la mi-journée par la page officielle du ministère de la Santé tunisien : le pays va adopter à partir d’aujourd’hui une application permettant le suivi et le traçage individuel des personnes contaminées par le Coronavirus. Une adoption tardive qui n’est pas du goût de tous.
Elle s’appellera « Ehmi » (« protège »). La nouvelle application de tracking visant à réduire la propagation du coronavirus sera progressivement déployée, apprend-on selon un communiqué du ministère de la Santé qui a annoncé la signature d’un accord pour utiliser l’application qui tournera sur les systèmes d’exploitation Android et iOS pour smartphones et PC.
L’accord en question fut signé entre l’Observatoire national des maladies nouvelles et émergentes (ONMNE) et l’entreprise tunisienne « Wizzlabs », une boite informatique tunisienne méconnue, présentée comme étant spécialisée dans la conception de programmes électroniques et le développement d’applications, et ce dans le cadre de l’appui aux efforts des autorités sanitaires pour lutter contre l’épidémie. Sur les réseaux sociaux la startup n’est présente que depuis 2017.
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Absence de débat de société autour des données personnelles
L’application de tracking permettra de déterminer la position et le trajet des personnes signalées comme Covid-19 positives, anciennement ou actuellement porteuses du virus, ainsi que ceux de toutes les personnes entrées en contact avec elles au sein des espaces publics et dans les transports, via les téléphones portables et autres PC et tablettes.
Si le département de la Santé a beau jeu de préciser que le logiciel est « soumis à toutes les exigences de protection des données personnelles spécifiées par l’Instance nationale pour la protection des données personnelles, conformément aux lois en vigueur », et de se justifier en rappelant que de telles applications « ont été adoptées par certains pays asiatiques (allusion à la Corée du sud notamment, ndlr) où elles ont prouvé leur efficacité en matière de jugulation de l’épidémie », l’annonce d’une adoption sans débat préalable ni au Parlement ni même dans les médias a de quoi surprendre.
Outre le manque de moyens alloués à l’institution, Chawki Gaddes, président de l’Instance nationale de protection des données personnelles (INPDP), avait appelé début 2020 les députés de l’ARP à accélérer l’adoption du projet de loi organique sur la protection des données personnelles, toujours dans les tiroirs de l’Assemblée.
Autre controverse : la question du timing et de la chronologie épidémiologique. Si dans les pays asiatiques mentionnés, les applications de tracking ont été adoptées en amont, dès février, très tôt dans la propagation du virus, ce qui avait d’ailleurs suscité les critiques de nombreux médias français sur la question de la vie privée des malades, la Tunisie a renoué avec le 0 cas enregistrés hier dimanche, après l’enregistrement de deux cas Gafsa, ce qui la place toujours à « seulement » 1037 cas.
En France, au moment où les dispositifs de traçage des citoyens commencent à se mettre en place pour accompagner le déconfinement, le Comité national pilote d’éthique du numérique (CNPEN), instance installée en décembre dernier, a rendu publics plusieurs rapports, et l’on s’interrogeait de l’autre côté de la méditerranée sur le fait d’enterrer « StopCovid » qui n’était pas prête pour le 11 mai, date du début de déconfinement, alors que l’application a pour objectif d’être prête pour le 2 juin, pour la deuxième phase du déconfinement.