Tourcoing : Une exposition célèbre l’Ecole de Casablanca

 Tourcoing : Une exposition célèbre l’Ecole de Casablanca

MAROC, UNE IDENTITÉ MODERNE, prolongée jusqu’au 28 juin à l’Institut du monde arabe de Tourcoing (Nord).

Exposition “Maroc, une identité moderne” à l’Institut du monde arabe de Tourcoing - Mohamed Melehi, L’Etudiant Ali Noury, 1968.
Exposition “Maroc, une identité moderne” à l’Institut du monde arabe de Tourcoing – Mohamed Melehi, L’Etudiant Ali Noury, 1968.

Quelques semaines avant que la planète se confine s’ouvrait au Palais de Tokyo une exposition au titre prémonitoire : Notre Monde Brûle. Interrompue en raison de la crise sanitaire, elle ré-ouvre le 15 juin. L’occasion de découvrir le travail d’une trentaine d’artistes montrant l’ampleur du désastre mais aussi une étincelle d’espoir. Par Fadwa Miadi

Tradition et modernité

Farid Belkahia, Mohamed Melehi et Mohamed Chabâa. Trois figures de l’avant-garde marocaine sont aujourd’hui à l’honneur à l’Institut du monde arabe(IMA) de Tourcoing. En 1962, après des études à Paris puis à Prague, le premier retourne au Royaume pour prendre la direction de l’Ecole des beaux-arts de Casablanca. Il sera rejoint par les deux autres peintres, également formés à l’étranger. “A Paris, Prague, Rome et New York, ils ont été exposés et remarqués par la critique.

En phase d’être très intégrés, ils avaient le souhait de retourner au Maroc pour y reconstituer leur propre modernité et ne pas être des ‘participants de seconde zone’ dans la modernité européenne”, commente Françoise Cohen, commissaire de l’exposition “Maroc, une identité moderne”.

1. Mohamed Chabâa, Composition, 1967.
1. Mohamed Chabâa, Composition, 1967.

Une peinture “ni de toile ni de chevalet” Ce trio va durablement marquer la création marocaine. Tout d’abord en promouvant une pédagogie dans l’esprit du Bauhaus, mouvement allemand né au lendemain de la Première Guerre mondiale, où se mêle photographie, graphisme, céramique, etc.

Regrouper l’art, l’artisanat, le design…

Lors des ateliers de peinture et de décoration menés par Chabâa et Melehi, les bijoux traditionnels donnent lieu à des travaux graphiques. L’idée est d’instaurer un lien constant entre l’apprentissage de l’élève et l’artisan traditionnel. Le groupe de Casablanca a ainsi à cœur de montrer qu’existe “une peinture qui n’est ni de toile ni de chevalet, et qui est répandue dans l’ensemble de la société à travers des tapis, des objets, des plafonds peints”. Il se donne pour mission de créer une continuité avec ce patrimoine.

>> Lire aussi : Exposition à l’IMA : Divas arabes D’Oum Kalthoum à Dalida

Il s’agit de réévaluer “l’apport de la tradition. Loin de la réduire à un vocabulaire de formes où puiser, ils s’en inspirent pour reconsidérer la position de l’artiste dans la société et faire émerger une nouvelle modernité”, ajoute Françoise Cohen. Pour ce groupe, l’art doit sortir des ateliers. Les travaux de ses élèves sont d’ailleurs exposés dans la rue. Toutes ces expériences sont transcrites dans la revue Maghreb Art (1965-1969), publiée par l’école.

On y trouve des articles de l’historienne de l’art et anthropologue Toni Maraini ou du chercheur néerlandais Bert Flint, un passionné des arts populaires et des traditions rurales, tous deux membres de l’équipe pédagogique.

2. Plat, Fès, fin du XIXe siècle.
2. Plat, Fès, fin du XIXe siècle. 3. Farid Belkahia, Main, 1980.

Exposer hors les murs

Un des coups d’éclat de l’Ecole de Casablanca ? L’exposition “Présence plastique”, lors de laquelle les toiles sont présentées hors des lieux habituels, en plein air, sur la place Jemaa el-Fna en 1969. L’idée est de toucher un public différent et notamment l’homme de la rue. “Ils se rendent alors vite compte que le tableau n’est pas à l’échelle et abandonnent la toile pour expérimenter d’autres matériaux.

Ainsi, Farid Belkahia travaille des reliefs en cuivre repoussé à partir de 1963. Il passe par la suite à un support en peau sur lequel il effectue du graphisme au henné”, souligne Françoise Cohen. Une façon d’inclure le patrimoine dans une modernité singulière.

L’ancêtre du street art

L’œuvre intitulée Main (photo ci-dessus) est probablement la meilleure illustration de cette jonction entre geste artistique et rituel. On ne sera pas surpris d’apprendre que le célèbre festival d’Asilah, où tous les espaces de la cité sont transformés en musée chaque année en juillet avec des œuvres éphémères, est né en 1978 à l’initiative notamment de Mohamed Melehi, lui-même natif de cette ville côtière du nord du Maroc.

Il y réalisa des fresques murales, ancêtres de ce que nous appelons aujourd’hui le street art. Actuellement mise en avant à l’IMA de Tourcoing, l’Ecole de Casablanca sera au cœur de deux expositions majeures à l’automne, à Madrid et à Paris, au Centre Pompidou. Preuve, s’il en faut, de l’intérêt qu’elle suscite encore.

MAROC, UNE IDENTITÉ MODERNE, prolongée jusqu’au 28 juin à l’Institut du monde arabe de Tourcoing (Nord). Plus d’infos sur ima-tourcoing.fr