Le juge Trévidic divulgue les résultats de son enquête
Le juge antiterroriste Marc Trévidic a rendu publiques aujourd’hui les premières conclusions de son enquête sur l’assassinat, en 1996, des moines de Tibhirrine.
Voilà qui desserrera un peu l’étau sur Alger qui, depuis une vingtaine d’années, subissait une interminable polémique sur la partie responsable de la mort des 7 moins à Trappistes à Tibhirrine, à 80 Km au sud d’Alger, en 1996. Les résultats de l’enquête sur l’assassinat des moines trappistes de Tibhirrine, présentés aujourd’hui aux familles de ces derniers par le juge antiterroriste français Marc Trévidic, semblent battre en brèche la thèse des partisans du fameux "qui-tue-qui ?", n’ont pas cessé de designer du doigt l’Armée algérienne.
Les têtes des moines, déterrées à l’automne de l’année dernière par une équipe d’experts français venus spécialement en Algérie, ne présentent pas de traces de balles, remettant ainsi en cause la thèse d’une bavure de militaires algériens qui auraient tué les hommes de religion en tirant sur un bivouac des islamistes du GIA. « Il est retrouvé des lésions évocatrices d'égorgement chez trois d'entre eux, égorgement suffisant pour être à l'origine directe de la mort », notent les experts. La thèse de la bavure de l’Armée se trouve ainsi sérieusement remise en cause.
Nouvel élément apporté par l’équipe menée par le juge Trévidic : les 7 moines ont vraisemblablement été tués un mois avant la « date avancée dans une revendication d'islamistes algériens », rapporte l’AFP, citant l’expertise judiciaire. Le GIA avait revendiqué l’assassinat des moines dans un communiqué daté du 21 mai 1996 et rendu public deux jours après, non sans préciser avoir envoyé le 30 avril « un messager à l'ambassade de France » pour « confirmer que les moines sont toujours vivants » ainsi qu'« une lettre qui précise la façon de négocier ». La non-concordance des dates de la mort des religieux veut-elle dire que les islamistes ont tué leurs otages mais voulaient mener en bateau les diplomates français en service alors à Alger ? Le juge Trévidic n’en a fait aucun commentaire.
Autre fait révélé par l’expertise française qui prêtera à des interprétations : les têtes des moines ont fait l’objet d' « une décapitation post mortem ». Pour les experts français, il n’y a pas l’ombre d’un doute : les têtes, retrouvées au bord d'une route le 30 mai 1996, ont sans doute été exhumées pour être de nouveau enterrées. « Les éléments botaniques et la présence de terre différente de celle du cimetière de Tibhirine observés dans et sur les crânes sont en faveur d'une première inhumation », explique le rapport de l’expertise.
Prudent, le juge Trévidic se refuse d’aller à toute conclusion hâtive « en l'absence des corps ». « La cause des décès ne peut pas être affirmée », soutient-il. Lui et ses coéquipiers regrettent toutefois le refus qui leur avait été signifié par les autorités algériennes de regagner Paris avec les prélèvements faits en Algérie. « La transmission et l'exploitation des prélèvements réalisés lors de l'exhumation sont hautement souhaitables », lâchent-ils.
Yacine Ouchikh