Théâtre. Avec « Par la mer (quitte à être noyées) », Anaïs Allais Benbouali interroge la place que la mort a dans notre vie

 Théâtre. Avec « Par la mer (quitte à être noyées) », Anaïs Allais Benbouali interroge la place que la mort a dans notre vie

« Par la mer (quitte à être noyées) » d’Anaïs Allais Benbouali, jusqu’au 18 juin 2023 au théâtre de la Colline à Paris. Crédit photo : Tuong-Vi Nguyen / la Colline

Anaïs Allais Benbouali est de retour au théâtre de la Colline à Paris. Cinq ans après la très remarquée « Au milieu de l’hiver, j’ai découvert en moi un invincible été », la metteuse en scène nantaise présente sa nouvelle pièce. « Par la mer (quitte à être noyées) » raconte le parcours de trois femmes, qui n’ont pas grand-chose en commun, sinon d’être frappées par « un deuil ».

Théâtre. Avec « Par la mer (quitte à être noyées) », Anaïs Allais Benbouali interroge la place que la mort a dans notre vie
De gauche à droite : Asmaa Samlali (Assia), Louise Belmas (Houda) et Gaëlle Clérivet (Max). Crédit photo : Tuong-Vi Nguyen / la Colline

La première d’entre elles, comme Anaïs Allais Benbouali dans la vraie vie, a perdu sa mère, l’autre son travail, et la troisième son pays, le Maroc. Forcées de cohabiter dans cette maison en bord de mer qui tombe en ruines, alors que la tempête fait rage, ces trois femmes vont s’apprivoiser et apprendre à avancer chacune dans leur vie respective.

Plongés dans le noir, une voix off nous parle. C’est celle de Lounia, algérienne, arrivée jeune femme en France. Lounia n’est plus, mais elle veut continuer à exister en nous racontant une partie de sa vie. De son vivant, Lounia habitait une vieille demeure en bord de mer, éloignée de tous. Houda, sa fille, organise les visites. Elle veut se débarrasser de ce lieu qui la replonge dans ses mauvais souvenirs.

Max, cinquantenaire, qui vient de perdre son emploi, veut, comme la défunte, se couper du monde, un besoin de se retrouver seule. C’est pourquoi elle jette son dévolu sur cette maison isolée, faisant fi de l’état pitoyable de sa nouvelle acquisition, où l’eau de la pluie s’invite inexorablement dans son salon.

Entre en scène alors, Assia, une Marocaine de 20 ans sans papiers, qui débarque sans prévenir, parce qu’une dame du bled lui a donné l’adresse de la demeure. « Tu y trouveras un toit, si tu es dans la merde », lui a-t-elle confié. Commence alors un dialogue à trois.

Les échanges sont parfois drôles, souvent tristes, parce que le passé resurgit à chaque instant. Peu à peu, la bâtisse, encore imprégnée de l’âme de l’ancienne propriétaire, devient un véritable refuge pour ces trois femmes. Chacune aidera l’autre à y voir plus clair, afin de construire un nouveau chapitre dans leur vie.

Avec son nouvel opus, prolongement de sa précédente oeuvre, la Franco-Algérienne Anaïs Allais Benbouali poursuit et approfondit son questionnement sur les identités. Elle interroge également la place que la mort a dans notre vie. Comment vivre avec celles et ceux qui ne sont plus là ? Quelle place leur laisse-t-on ? Quelle place prennent-ils une fois qu’ils sont partis ?

« Par la mer (quitte à être noyées) » est une pièce émouvante, exigeante, à la mise en scène minimaliste mais hautement maîtrisée. Les trois actrices jouent juste, jamais trop ou pas assez. Anaïs Allais Benbouali prouve une nouvelle fois que le théâtre peut être intelligent sans être élitiste, complexe sans être compliqué, fin sans être simpliste….

Jusqu’au 18 juin au théâtre de la Colline à Paris. Du mercredi au samedi à 20h, le mardi à 19h et le dimanche à 16h.

Texte et mise en scène d’Anaïs Allais Benbouali. Avec Louise Belmas (Houda), Gaëlle Clérivet (Max) et Asmaa Samlali (Assia).

Anaïs Allais Benbouali est passée par le Conservatoire de Nantes et l’Institut des Arts et Diffusion, en Belgique. Elle est directrice artistique de la compagnie nantaise La Grange aux Belles.

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