La poudre de corète : au coeur de la Mloukhia
Cette épice – une poudre de couleur verte, extraite des feuilles de corète moulues – est l’ingrédient principal d’un des piliers de la cuisine festive tunisienne, la mloukhia, une sauce veloutée aux entêtants parfums de sous-bois. Bonne nouvelle : elle recèle d’innombrables vertus.
Ne confondez la mloukhia tunisienne avec le mets marocain homonyme – et non moins savoureux – qui désigne un tajine aux gombos. Il s’agit d’une recette à base de corète (ou corète potagère), une plante originaire d’Inde dont on réduit les feuilles séchées en une fine poudre verte, avant de la cuisiner pendant de longues heures, au moins six ou sept. On retrouve aussi ce plat en Algérie et en Libye. En Egypte, feuilles entières et poudre entrent dans plusieurs préparations : soupe, ragoûts, etc. En Tunisie, la mloukhia, qui pousse notamment dans les oasis du sud, est synonyme de célébration et d’abondance.
“C’est un plat populaire incontournable. Nous le servons à l’occasion de l’Aïd el-Fitr avec une chorba aux hlalems (petites pâtes artisanales tunisiennes), mais aussi durant le Nouvel an de l’Hégire. Un adage dit qu’il faut commencer l’année par une mloukhia pour qu’elle soit ‘verte’ et prospère. De nombreuses familles la proposent également lors des mariages pour porter chance aux époux”, explique Malika Dridi, une cuisinière émérite. Pour cette Maroco-Tunisienne établie à Tunis depuis trente-deux ans, la mloukhia est synonyme de chaleur, de réconfort et de retrouvailles. “Je la cuisine quand mes enfants rentrent au pays pour les vacances. Ils en raffolent et leurs petits aussi !”
Gorgée de magnésium
Pour préparer cette sauce, la qualité de la poudre de corète est primordiale. Veillez donc à acheter un produit garanti sans conservateurs ni colorants. Hormis la corète potagère que l’on aura peut-être un peu de mal à trouver – les épiceries orientales et certains sites d’e-commerce la proposent – les ingrédients nécessaires sont largement disponibles : viande de bœuf ou d’agneau en morceaux, huile d’olive, tomate, ail, feuilles de laurier, menthe séchée, coriandre et carvi moulus. La recette ? “On fait mariner la viande pendant plusieurs heures dans une mixture d’herbes, d’épices et de tomate, détaille Malika Dridi. Entre-temps, on lance la cuisson de la poudre de corète, avec de l’huile et de l’eau bouillante, qu’on ajoute progressivement, par louches. Après quelques heures de cuisson à feu doux, et quand la viande s’est bien imprégnée des herbes et des épices, on l’ajoute avec sa marinade dans la marmite de mloukhia, et on poursuit la cuisson encore quelques heures, jusqu’à ce que l’huile remonte à la surface de la préparation. C’est prêt !” Si vous aimez les saveurs charnues et profondes, relevées d’une subtile pointe d’amertume, vous allez vous régaler.
Plat d’hiver par excellence, la mloukhia se déguste fumante, avec une généreuse portion de pain complet. Consistante, cette recette présente également l’avantage d’être gorgée de nutriments : c’est en effet l’un des aliments les plus riches en magnésium ! Pour refaire vos stocks de bonne humeur et de sérénité par ces temps froids et moroses, il n’y a pas mieux. La corète potagère est également excellente pour l’immunité et le transit. Et on lui attribue même des vertus antalgiques ! Bref, la mloukhia tunisienne a tout bon.