Tensions entre la Tunisie et l’UE : le président Saïed ajourne une visite d’officiels européens

 Tensions entre la Tunisie et l’UE : le président Saïed ajourne une visite d’officiels européens

Lors d’une réunion du Conseil de sécurité nationale le soir du lundi 25 septembre 2023, le président de la République, Kais Saïed, a chargé le ministère des Affaires étrangères de notifier sa décision de reporter la visite prévue d’une délégation de la Commission européenne en Tunisie à « une date ultérieure qui sera convenue entre les deux parties ».  

La forme a d’abord de quoi étonner. En choisissant en effet de s’entourer de ses généraux militaires pour annoncer ce report longuement argumenté par des considérations de souveraineté et de non-ingérence, le régime signifie au reste du monde qu’il se referme davantage encore sur lui-même.

Pour rappel, la Commission européenne avait annoncé le 22 septembre dernier une aide budgétaire de 60 millions d’euros pour la Tunisie, assortie d’un « paquet d’assistance opérationnelle sur la migration » d’environ 67 millions d’euros, avec pour objectif affiché de réduire le nombre d’arrivées de migrants subsahariens depuis les côtes tunisiennes. La visite de ladite délégation européenne la semaine prochaine était donc censée discuter des modalités de cet accord, après que près de 8000 migrants aient débarqué sur l’île de Lampedusa en 24 heures, un record.

L’afflux de migrants depuis Sfax est tel que le président français Emmanuel Macron l’a également évoqué dans un entretien télévisé avant-hier en nommant expressément la région tunisienne coupable de négligence à ses yeux, ce qui a semble-t-il ajouté à la colère du président tunisien :

 

Le changement de ton côté italien a visiblement contribué à son tour à irriter Kais Saïed. La Première ministre italienne Giorgia Meloni a ainsi admis qu’elle avait espéré « mieux faire » pour contrôler l’immigration irrégulière, qui a au final augmenté depuis la victoire historique de son parti d’extrême droite aux élections il y a un an. « Il est clair que nous espérions mieux en matière d’immigration (…) Il s’agit certainement d’un problème très complexe, mais je suis sûr que nous irons au fond des choses », a-t-elle promis samedi dans une interview télévisée, à l’occasion de l’anniversaire de cette victoire.

 

Agacé, Saïed botte en touche

« Le président de la République a décidé de charger le ministère des Affaires étrangères, de l’Immigration et des Tunisiens de l’étranger de notifier à la partie européenne sa décision de reporter la visite prévue cette semaine d’une délégation de la Commission européenne dans notre pays à une date ultérieure qui sera convenue entre les deux parties », indique brièvement le communiqué de la présidence de la République sans donner les raisons de cette décision. Autant dire qu’il s’agit d’un report sine die.

Le 19 septembre, Kais Saïed avait déjà interdit d’entrer sur le territoire tunisien une délégation parlementaire européenne qu’il a qualifiée d’« inspection coloniale », soulignant que la Tunisie pourrait dépêcher « des représentants de la société civile pour surveiller la liberté de la presse et d’expression dans ces pays », sans les citer nommément.

« Ces parties doivent se débarrasser de leur rôle tutélaire et cesser de dépêcher leurs délégations pour des missions d’observation et de supervision comme si nous étions des colonisés », a insisté Saïed dans une déclaration télévisée.

« Nous les traiterons de la même manière, et nous n’accepterons pas qu’ils portent atteinte à notre souveraineté, car nos actions sont menées en toute transparence plus encore que ces Etats dont nous connaissons très bien l’histoire, particulièrement lorsqu’ils ont colonisé des États africains », a ajouté le chef de l’État.

Le président Kaïs Saïed s’était par ailleurs prononcé contre la présence d’observateurs étrangers pour superviser les prochaines élections : « Les étrangers peuvent suivre les élections en tant que simples observateurs, mais ne peuvent venir en Tunisie pour les superviser, car seuls les Tunisiens peuvent superviser le scrutin », avait-il pesté.

Durant le Sommet mondial du Moyen-Orient d’Al-Monitor et Semafor (the Al-Monitor & Semafor inaugural Middle East Global Summit), en marge de l’Assemblée générale de l’ONU du 20 septembre, le chef de la diplomatie tunisienne Nabil Ammar a dû faire face aux questions de la journaliste turque Amberin Zaman, lors d’une séance de questions tendue autour de l’isolement du régime tunisien et la régression des libertés dans le pays.