Tataouine : Grève générale dans les champs pétroliers et gaziers

 Tataouine : Grève générale dans les champs pétroliers et gaziers

A Tataouine, le mouvement de protestation est notamment rendu célèbre par son emblématique et radical porte-parole Tarek Haddad

Les ouvriers des sociétés d’exploitation des champs pétroliers et gaziers, situées dans le désert de Tataouine, ont entamé ce weekend une grève ouverte, assortie d’un arrêt de la production. La centrale syndicale URT met ainsi à exécution ses menaces de grève générale paralysant ce secteur névralgique, sur fond de crise politico-économique d’une ampleur inédite dans le pays.  

Le mouvement de protestation est organisé en réponse à l’appel de l’Union Régionale du Travail (URT) et de la coordination du sit-in dit d’El Kamour. Objectif : protester contre les décisions prises lors du conseil ministériel tenu mercredi dernier, consacré à l’examen de la situation au gouvernorat de Tataouine. Un conseil convoqué suite à la recrudescence de violentes émeutes, durement réprimées.

Membre de l’URT à Tataouine, Adnène Yahyaoui réaffirme aujourd’hui le soutien de l’organisation aux ouvriers des sociétés pétrolières et « une totale adhésion à la grève générale ouverte observée dans le secteur public depuis le 3 juillet. Elle se poursuivra jusqu’à la satisfaction des revendications des habitants de la région relatives au développement et à l’emploi », assure-t-il.

 

Tataouine, un chaudron social chronique

En ce « jour de colère », les employés des compagnies pétrolières disent attendre l’arrivée d’une délégation gouvernementale à Tataouine en vue d’une sortie de crise pour un bras de fer qui dure en réalité depuis près de trois années.

Dès avril 2017, des manifestants avaient en effet créé un collectif et entamé un sit-in en installant des tentes près du site de production pétrolier d’El Kamour, en plein désert, à 100km de la ville de Tataouine.

Le mouvement éponyme était né. Comme à Gafsa et son phosphate, un regain de conscience souverainiste local, « qui confine au séparatisme » diront ses détracteurs, y apparaît. Ses instigateurs réclament de pouvoir bénéficier des retombées économiques des ressources énergétiques. Des bénéficies que la région tarde à voir depuis plusieurs décennies d’exploitation, le tout sur fond d’opacité des activités des exploitants.

Depuis l’arrivée de Kais Saïed à Carthage, le collectif avait reçu fin décembre 2019 une correspondance signée du chef du cabinet du président de la République, assurant les manifestants de l’intérêt particulier qu’accorde Saïed à l’application de certains accords postérieurs restés en suspens.

 

Des accords complexes et coûteux

Ambitieux, l’accord initial prévoit entre autres le financement de la caisse du développement et de l’investissement par 80 millions de dinar par an, l’affectation de 1500 personnes dans les sociétés pétrolières et l’intégration de 3000 travailleurs, selon un échéancier à trois étapes, à la Société Tunisienne pour l’Environnement.

Des accords qui se heurtent à la réalité d’un Etat tunisien contraint notamment de stopper net les recrutements dans la fonction publique depuis deux ans.

Or, cette année, Covid-19 et confinement oblige, même la soupape traditionnelle du retour des résidents en Europe, enfants du pays originaires du sud, sera quasi inexistante. « Quand bien même ils arrivent à rentrer, nous savons que nos proches rentreront désargentés cette année », nous explique, fataliste, un cadre de Tataouine.

Les tractations autour des accords d’El Kamour sont enfin ralenties par la crise politique en cours provoquée par les soupçons de corruption et de conflit d’intérêts au sommet de l’Etat.

Samedi 4 juillet, l’union générale tunisienne du travail (UGTT) a adressé une lettre ouverte aux trois présidences pour « les alerter sur la situation générale du pays ». Pour son secrétaire général Noureddine Taboubi, « la situation est extrêmement difficile à Tataouine et il convient de mobiliser toutes les compétences pour y améliorer la vie des citoyens, plutôt que de se laisser absorber par les querelles politiciennes », a-t-il regretté à l’issue d’un meeting syndical.

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