Nabil Maâloul : « Les Tunisiens ont le droit de rêver »
A quelques jours du lancement, l’entraîneur des Aigles de Carthage est extrêmement sollicité. En déplacement à Stockholm, il a accepté de nous répondre, avec son franc-parler et son éternel optimisme.
Pourrions-nous savoir quelle est la raison de votre discret déplacement en Suède ?
Je suis en effet à Stockholm, à mon initiative, en compagnie du président de la Fédération tunisienne de football (FTF), Wadie Jary. On observe de près le jeune joueur d’origine tuniso-finlandaise, Kerim Mrabti, qui évolue dans le club de Djurgarden, avec lequel il dispute la finale de la coupe de Suède contre Malmö.
Vous le pistez en vue de trouver une solution au forfait de Youssef Msakni, votre milieu offensif, touché aux ligaments croisés ?
Kerim Mrabti est effectivement un élément talentueux, qui évolue théoriquement au même poste que Msakni. Kerim a remporté en 2015 le trophée du meilleur jeune joueur du championnat suédois. Même si les discussions sont avancées, je dis “en théorie”, car chaque joueur a ses qualités propres. Je ne vous cache pas que la perte de Youssef Msakni est terrible pour nous, ce fut assez dur psychologiquement pour ses coéquipiers de réaliser qu’il ne sera pas de la partie pour ce rendez-vous historique, à cause de sa récente blessure avec son club qatari (Al-Duhail, ndlr). N’oubliez pas qu’il porte le brassard de capitaine, en plus d’être un buteur d’exception.
Kerim Mrabti aurait-il les épaules pour le remplacer ?
C’est une révélation, il est plus jeune (23 ans, contre 27 pour Mskani, ndlr), mais son parcours international précoce peut compenser son manque d’expérience avec l’équipe nationale tunisienne. Comme vous le savez, à ce niveau, nul n’est indispensable ! Certains pensent, je l’ai entendu, que “la Tunisie joue mieux sans Msakni”. Quoi qu’il en soit, il pourra sans doute être encore à nos côtés pour le Mondial en 2022 !
Avez-vous des nouvelles de son état de santé ?
Il avait été touché aux ligaments croisés, ce qui le condamnait à court terme, mais son état de santé est excellent, aux dernières nouvelles. Il a été opéré en Pennsylvanie, aux Etats-Unis. Une semaine de rééducation l’attend encore, avant de poursuivre sa convalescence sous la conduite du médecin de son club.
Avez-vous choisi le lieu de retraite pour le “stage fermé” de l’équipe nationale ?
Oui, pour nos préparatifs, nous venons de jeter notre dévolu sur Verbier, en Suisse, du 29 mai au 4 juin. Nous avons fait ce choix en partie pour le climat alpin similaire à celui de la Russie, ainsi que les infrastructures sportives de cette station d’hiver du Val de Bagnes, afin de parfaire au mieux la préparation physique des joueurs. Cependant, le stade de Tourbillon (à Sion, ndlr) étant indisponible, nous disputerons notre match de préparation contre la Turquie au stade de la Praille (à Genève le 1er juin, ndlr).
Après deux victoires et deux nuls qui vous ont permis de vous qualifier pour le Mondial, vous avez enchaîné par deux courts succès (1-0). Etes-vous satisfait du parcours de votre groupe jusqu’ici ?
Absolument ! Même s’il y a toujours des aspects perfectibles. Les joueurs ont livré d’excellentes prestations face à l’Iran et surtout face au Costa Rica, un adversaire redoutable, lors du match amical organisé à Nice. D’ailleurs, vos confrères de la presse internationale, en particulier les Anglais, étaient impressionnés par notre rendement. Mais nous ne dormirons pas sur nos lauriers. Nos joueurs qui évoluent dans les championnats européens se sont parfaitement intégrés au groupe. Cela a rapidement facilité la communication avec les joueurs locaux. Nous avons tout à fait le droit de rêver !
Parmi vos adversaires dans le groupe G, lequel vous semble être le plus à votre portée ?
Difficile à dire… S’agissant de l’élite mondiale des 32 meilleures nations qualifiées, il n’y a pas de petite équipe. Ni les Anglais, ni les Belges, troisièmes mondiaux (au classement Fifa, ndlr), ni même le Panama, qui pratique un football d’Amérique latine, ne nous feront de cadeau. Mais je vous rappelle que depuis avril, avec nos 1 012 points, nous sommes passés de la 27e à la 14e place au classement Fifa, au coude-à-coude avec l’Angleterre, 13e, que nous affronterons sans complexe et que nous pourrions même doubler. Nous avons gagné 43 places depuis juin 2017. En soi, c’est un exploit.
A ce propos, vous souvenez-vous du dernier Tunisie-Angleterre lors du Mondial 98 ? Les rues de Marseille s’étaient transformées en champ de bataille…
Généralement, je préfère m’en tenir à la stricte dimension sportive. On sait que parmi les supporters anglais, il y a un certain nombre de hooligans qui jouent sur l’intimidation, voire la provocation en dehors des stades… Néanmoins, avec cette 5e qualification en Coupe du monde, je suis convaincu que le public tunisien, qui nous est cher, a maintenant acquis une maturité lors des rendez-vous internationaux. Il sait que sa sélection nationale n’est plus l’outsider d’autrefois, et qu’elle va jouer les tout premiers rôles.
La Fédération tunisienne de football vous a augmenté du simple au double à la fin mars, ce qui fait régulièrement polémique. On parle de 68 000 dinars tunisiens par mois (près de 23 000 euros), soit un salaire annuel de 816 000 DT (environ 274 000 euros). Vous confirmez ces chiffres ?
J’ai moi-même annoncé aux médias cet accord avec la FTF, après que les spéculations se sont multipliées ces derniers temps. Je vous rappelle que je touche un salaire inférieur à celui de mon prédécesseur Henri Kasperczak. En outre, ceux qui me qualifient de “gourmand” semblent omettre que mon contrat, prolongé jusqu’en 2022, implique un salaire inférieur à ceux de l’ensemble des entraîneurs qualifiés pour la Coupe du monde.