Mansour Barnaoui, l’homme qui vaut 1 million de dollars
Le Franco-tunisien est un prodige du MMA, sport diffusé dans le monde mais toujours non reconnu en France. Il vient de remporter son combat contre le Sud-Coréen Kwon A-Sol pour le titre du tournoi léger de l'organisation Road FC, à Séoul. Une ceinture qui ouvre des possibilités pour la suite…
Avouons-le, le mot MMA fait peur. Trois lettres pour “arts martiaux mixtes” ou “Mixed Martial Arts”, un sport de combat regroupant plusieurs disciplines (voir encadré). Pourtant, fini les affrontements où tout (ou presque) était autorisé ! Dorénavant encadré, le MMA est devenu en quelques années l’attraction préférée des téléspectateurs, notamment aux Etats-Unis où les retransmissions de combats du quatrième sport national font recette. Une discipline, par ailleurs, toujours non reconnue dans l’Hexagone, même si, en avril, la ministre des Sports, Roxana Maracineanu, s’est déclarée favorable à l’autorisation de compétitions d’arts martiaux mixtes sur le territoire, sous condition qu’une structure légale émerge pour les encadrer.
“J’ai vu évoluer devant moi un génie”
Mais dans ce sport, la France et la Tunisie possèdent un joyau. Son nom : Mansour Barnaoui, 1,82, moins de 70 kg et une carrière époustouflante. Champion de France depuis ses 18 ans et champion d’Europe depuis ses 20 ans. En remportant la finale du tournoi de l’organisation sud-coréenne Road FC, en février dernier, le jeune prodige s’est offert un sésame pour le combat du titre face au champion de la catégorie léger, Know A-Sol, qui se tiendra le 18 mai à Séoul. Avec, à la clé, une bourse de 1 million de dollars.
Alors qu’il n’est âgé que de deux semaines, le natif de la banlieue de Tunis rejoint celle de Paris, à Malakoff, dans les Hauts-de-Seine, où ses parents s’installent. Son père, ancienne ceinture noire de judo, tente de lui donner goût à son sport. “Il voulait à tout prix que je suive ses traces, explique Mansour Barnaoui. Au bout d’une semaine, ça ne m’a pas plu et j’ai arrêté. Je préférais les sports de glisse aux sports de combat.”
Le déclic advient aux alentours de 12-13 ans. Comme plusieurs jeunes de son quartier, il “zone” dans un parc, essayant les gants de boxe du petit frère d’un champion des rings, Aziz Mahi. “Notre délire était de regarder des matchs de catch ou des films d’action à la télé, raconte-t-il. Quand Aziz a vu ça, il a décidé de nous mettre dans une salle et de nous former. Je suis venu au MMA par hasard.”
Une relation fraternelle unit dès lors Aziz Mahi, qui crée la Team Magnum, et le jeune Mansour. “J’ai vu évoluer devant moi un génie, explique celui qui est désormais son entraîneur. Très jeune, il avait un mental d’acier et ne lâchait rien.”
Ses débuts en compétition amateur lui laissent un goût amer mais le renforce. “Lors de mon premier match, j’ai perdu. J’ai découvert que j’avais horreur de ça. Ça a fait tilt dans ma tête. Je me suis arraché alors à l’entraînement et suis revenu hypermotivé dans la compétition. J’ai tout gagné dans ma catégorie, puis j’ai battu tous mes adversaires majeurs alors que j’étais mineur.”
Obligé d’abandonner ses études (“Je dormais en cours”, avoue-t-il), Mansour Barnaoui se lance à cor et à cri dans ce sport. Il grimpe rapidement les échelons entouré d’une équipe de professionnels (entraîneur, manager et attaché de presse). Les résultats ne se font pas attendre : 18 victoires dont quatre par KO. Lors du tournoi Road FC, qui voit s’affronter chaque année les 32 meilleurs compétiteurs du monde, il bat par KO en demi-finale le Russe Shamil Zavurov, cousin de la star et champion de l’organisation américaine UFC (Ultimate Fighting Championship), Khabib Nurmagomedov.
Son surnom ? “Afro-Samouraï”
Peu inquiet par le ramadan – “Je m’entraîne aussi pendant le jeûne et le combat va avoir lieu le soir” –, il n’a cure d’affronter un local en Corée du Sud. “Vu que le sport n’est pas reconnu en France, je combats toujours mes adversaires chez eux. Ça ne me fait pas peur.” Le 18 mai, il ne se voit pas arriver autrement qu’avec le drapeau tunisien. “Je parle avec ma mère en arabe et j’ai été élevé dans la culture de ce pays, même si je ne m’y rends pas souvent.”
Celui qui se fait appeler “Afro-Samouraï”, en référence à l’œuvre de l’auteur de mangas Takashi Okazaki, n’a qu’une seule envie : “Que le combat soit demain pour que je puisse faire ce que je fais traditionnellement : gagner, partir en voyage et me détendre en faisant des sports de glisse.” S’il n’a pas encore essayé le surf, il se prépare à fond pour pouvoir, une fois le match gagné, rouler sur un skateboard. “Avec la glisse, je me sens libre. Au MMA, c’est pareil. Une fois dans la cage, tu fais ce que tu veux tant que tu arrives à battre l’adversaire.”
MMA, LE MAL AIMÉ DES SPORTS DE COMBAT
Le Mixed Martial Arts (MMA) est une discipline qui regroupe la boxe à percussion (pieds poings), la lutte et la luta livre (ju-jitsu sans kimono). Ancien boxeur et entraîneur de luta livre puis de MMA, Aziz Mahi connaît bien ce sport qu’il a vu évoluer depuis douze ans. “Tout est réglementé. Des coups sont interdits (parties intimes, yeux, coups de tête, etc.) et l’arbitre veille à l’intégrité physique du combattant. En boxe, l’essentiel des coups est porté en plein visage et le cerveau est souvent touché en boxe, explique l’entraîneur de la Team Magnum installé à Malakoff. En MMA, on est obligé de garder de la distance pour ne pas finir au sol et les coups portés au sol ont moins d’impacts car on a moins d’appuis. De plus, la cage, qui effraie tant les spectateurs, est plus rassurante, notamment pour les combats au sol où les adversaires évitent de tomber du ring et de se blesser.” Même si la discipline est devenue un spectacle international, la France reste à la traîne. “Ce sport traîne une image défectueuse des combats sans règles du début, indique Aziz Mahi. Il n’y a pas de fédération dans l’Hexagone. Les entraînements sont possibles mais pas les compétitions. Il y a surtout un lobby de la fédération française de judo, très puissante dans le pays, qui a peur de voir ses licenciés déserter pour le MMA.”