Kadour Ziani, « Dunk or Die »
Du haut de son mètre soxante-dix-huit, Kadour Ziani a fait le tour du monde au sein de l’équipe de dunkers de la Slam Nation. Le Franco-Algérien, qui a grandi dans un quartier de Saint-Dizier, a décidé de parler aux plus jeunes de leurs talents cachés.
Vous avez pratiqué de nombreux sports mais c’est au football en tant que gardien que vous avez travaillé votre détente ?
Oui. J’avais un entraîneur, Abdeslam, qui était focalisé sur le “physique”. J’avais 8 ans (et 12 frères et sœurs, ndlr) et je m’entraînais le mercredi de 13 heures à 18 heures ! Il me faisait faire des grands écarts, des saltos, j’étais un vrai chat. Il m’a montré la voie, me faisant comprendre que le corps était la clé de la réussite. J’ai aussi fait du handball, de la boxe, du saut en hauteur, et à travers toutes ces disciplines je menais une véritable quête de moi-même.
Comment avez-vous découvert la NBA à une époque où elle était peu médiatisée en France ?
D’abord via un ami qui nous montrait des VHS. Quand l’ovni Jordan est arrivé, c’était l’invasion des extraterrestres pour nous. Un programme national, mené par Droit de Cité, faisait la promotion des jeunes défavorisés. A Saint-Dizier (Haute-Marne), ils nous ont envoyés à Barcelone pour les JO de 1992. On découvrait des super-héros, Jordan, Robinson, Ewing… On se faisait les playoffs dehors, on vivait au rythme de la NBA. Certains jouaient à être Spiderman, nous, on jouait à Mickael Jordan. Je me souviens de mon premier dunk. J’avais 15 ans et un ami a lancé le ballon en l’air et j’ai sauté pour “dunker”. Je ne me rendais pas compte de ce que je venais de faire, lui était soufflé.
Après, vous avez passé votre temps sur les terrains de basket ?
Je ne faisais que ça ! A chaque fois que j’y arrivais, j’essayais de sauter de plus loin, donc plus haut. Je faisais des “360”, puis je “dunkais” de la ligne des lancers francs. Au quartier, tout le monde jouait à se faire peur, alors je les appelais à chaque fois que je faisais mes cascades. A l’époque, j’avais un bouton sur le nez, de grandes dents, j’étais maigre et bien complexé. Il fallait que je m’impose. Je n’avais pas de succès avec les filles, j’étais un peu le bossu de Notre-Dame. Alors j’ai décidé que je serai “Quasimodunk” ! C’était une revanche pour moi.
Quel a été le cheminement pour être découvert et pour intégrer la Slam Nation ?
J’ai commencé à faire des 3 contre 3 et des concours de dunks. On a gagné une étape du France basket tour avec mon frère Nordine où j’ai également remporté le concours de dunks. On a été invité au Zénith pour le tournoi final. Là-bas il y avait Georges Eddy qui commentait pour Canal+. Je suis allé l’interpeller dans les tribunes : “Je dunke comme Michael Jordan !” Il a voulu voir ce que je valais. J’ai placé mon dunk de la ligne des lancers francs et il a appelé son cameraman qui a fait un sujet sur moi. Je suis donc passé sur Canal+, et c’est là que tout a commencé. Avec Bouna Ndiaye (devenu agent NBA) et Jérémy Medjana, on a décidé de monter une Slam Nation. Avec l’idée de vendre un spectacle de dunks. On a commencé à tourner en France, à Tourcoing, Fréjus… Nike nous a pris sous son aile. Nous sommes allés en Europe puis en Chine faire des dunks devant des stars comme Vince Carter.
La tournée en Asie vous a beaucoup marqué, notamment aux Philippines quand vous découvrez la misère..
Le voyage t’offre un nouveau regard sur ta condition. Ton esprit grandit, ta lucidité, ta prise de conscience. J’ai vu la misère là-bas… et moi qui me prenais pour une victime… En rentrant j’ai dit aux gens du quartier qu’on avait de la chance, qu’on était bien ! Cela a développé une révolte en moi, durant le show j’ai donné le meilleur de moi-même. Les gens étaient démonstratifs, ils retiraient leurs baskets et les jetaient en l’air. Leur sincérité m’a marqué, ils m’ont beaucoup donné. Il y avait une misère matérielle mais une vraie richesse humaine. Je me sentais enfin quelqu’un. Il fallait que j’arrête de me mépriser, rendre les gens heureux était une réelle source de bonheur pour moi. Je me suis entraîné deux fois plus, j’ai fait des dunks de plus en plus spectaculaires comme des doubles moulins au-dessus de cinq personnes. A chaque atterrissage c’était une cascade, désormais c’était “dunk or die”.
Vous avez également foulé les plus grandes salles de la NBA, New York, Chicago, ça devait être incroyable ?
Oui. Le chemin parcouru était fou, personne ne pourra nous l’enlever. Je sortais des quartiers ou je réparais des paniers de basket avec la chignole de mon père et là je me retrouvais à New york au Madison Square Garden. Nous étions quasiment les premiers Français à fouler les parquets NBA. Aux Etats-Unis par contre, l’ambiance était plus feutrée. On se sentait respecté mais nous n’étions pas le clou du spectacle. Tout était calculé, on avait 33 secondes et hop c’était fini.
Aujourd’hui vous arpentez les écoles en France pour transmettre votre histoire…
La transmission est très importante. On étudie mon cas, un gosse qui a grandi comme un animal et qui a utilisé son imagination pour chercher ce qu’il avait d’excellent en lui. Dans cette société uniformisée, individualisée, les gens ne pensent plus, ne bougent plus. Tout devient rapide alors qu’il faut respecter le temps, travailler, se fixer des objectifs. Mourir en essayant c’est mieux que de se laisser crever sans rien faire. Une fois en haut il ne faut pas regarder les autres avec mépris.
Avez-vous des projets en Afrique ?
J’ai déjà commencé avec le programme NBA Afrique, au travers duquel nous essayons de faire monter tout le continent dans le bus de la NBA qui organise des camps de basket un peu partout. Du 9 au 13 mai je serai à Dakar pour une projection de notre documentaire Dunker pour ne pas mourir (Dunk or Die). Avec toujours le même message invitant à devenir plus acteur et moins spectateur. Il faut que cette histoire soit utile.