Hasnaa Badou, la « fée clochette » de la capoeira

 Hasnaa Badou, la « fée clochette » de la capoeira

crédit photo : Jérôme Panconi


MAGAZINE NOVEMBRE 2017


Peu connue du grand public, cette Finlando-Marocaine est désormais une star dans le milieu de la capoeira, un art martial afro-brésilien. A 31 ans, elle a déjà plusieurs podiums à son palmarès. Son parcours est un véritable conte de fées. 


Titulaire d’un master en psychologie, Hasnaa parle six langues et joue de plusieurs instruments de musique. Mais elle a aussi remporté le titre de vice-championne du monde de capoeira lors des épreuves qui se sont déroulées au Brésil, en août dernier. Son prénom, Hasnaa, c’est feu le roi Hassan II qui l’a choisi en hommage à son paternel. En effet, l’année de sa naissance, son père, Zaki Badou, “le meilleur gardien des Lions de l’Atlas”, s’était ­illustré lors de la Coupe du monde de football en 1986.


Dans le milieu de la capoeira, Hasnaa a été baptisée “Sininho”, la Fée Clochette en portugais. Un surnom qu’elle porte à merveille car, à l’instar de la virevoltante complice de Peter Pan, elle sait faire preuve de force, d’une rare ténacité. En 2010, alors que, ­parallèlement à ses études de psychologie, elle s’efforce de pratiquer une activité sportive intense, elle consulte un ostéopathe suite à des douleurs dorsales. Au lieu d’être soulagée, elle ressort du cabinet du médecin paraplégique. Pendant deux ans, ­impossible de placer un pied devant l’autre. Elle passe de longs mois en fauteuil roulant et “habite” littéralement chez son kinésithérapeute… “J’arrivais à 8 heures du matin pour ma ­rééducation et je ressortais à 20 heures le soir”, se souvient-elle.


A force de persévérance, elle remarche, et sans qu’une intervention chirurgicale ne soit nécessaire. Après ce miracle, il lui faut vite rattraper le temps perdu. Elle choisit même de faire carrière dans le sport. Notre “Fée Clochette” s’envole alors pour la Thaïlande en février 2012. “J’avais envie de partir loin des médecins, loin de tout. Sur place, je me suis formée au coaching sportif et je me suis mise à la capoeira.” Enfin, cette grande sportive, qui s’est essayée à un nombre incalculable de disciplines – du tennis à l’équitation en passant par le surf, la boxe thaïlandaise ou la MMA – trouve sa voie dans cet art martial brésilien. “J’ai eu le coup de foudre dès la première fois. Moi qui gamine passait le plus clair de mon temps à faire des acrobaties dans le jardin, je me suis tout de suite reconnue dans ce sport”, s’enthousiasme l’athlète finlando-marocaine qui ­décide de vivre sa passion à fond. Quelques années plus tard, elle décroche le titre de championne d’Europe de la discipline, prouesse qu’elle renouvelle trois fois sous le drapeau français.



Promouvoir sa discipline au Maroc


Son mantra ? “Carpe diem”, forcément ! “Depuis mon accident, j’ai du mal à me projeter vers l’avenir. Je vis au jour le jour et je ne sais pas de quoi le lendemain sera fait. Vais-je marcher ?”, poursuit-elle. Ce qui ne l’empêche pas de nourrir de belles ambitions. Après un long séjour en France, elle est sur le point de retourner à Casablanca pour concrétiser son projet : faire connaître la ­capoeira dans son pays natal, le Maroc. “J’aimerais développer la connaissance de la culture brésilienne à travers cet art martial qui implique bien entendu de maîtriser une gestuelle, mais aussi des instruments de musique, comme le pandeiro, un dérivé du bendir, le berimbau ou encore l’atabaque.”


Cette envie de partager sa passion lui tient à cœur depuis longtemps. “A chaque fois que je m’entraînais sur les plages du Maroc, des jeunes m’interpellaient pour que je les initie. Et j’ai vu des orgueilleux s’acharner pour réussir à accomplir ce que moi, une ‘fille’, je parvenais à faire. C’est ainsi que sont nées de vraies amitiés, lesquelles, au fil des ans, ont donné naissance à des associations, qui fédèrent près de 500 pra­tiquants, notamment à Casablanca et à Rabat”, se réjouit l’athlète. Aujour­d’hui, forte de son récent titre de vice-championne mondiale, elle aimerait donner une nouvelle impulsion aux structures existantes, comme l’association Overboys avec laquelle elle collabore. Elle espère aussi permettre aux capoeiristes marocains les plus doués d’intégrer la communauté internationale. Son rêve ? “Ne plus être la seule à représenter son pays lors des prochains championnats du monde.” Et à terme ? “Changer la vie de la jeunesse marocaine à travers la culture brésilienne comme elle a changé la mienne.”



Encourager les femmes


Parmi les personnalités qui l’inspirent, Hasnaa Badou cite­ ­volontiers Nawal El Moutawakel, médaillée d’or du premier 400 mètres haies féminin de l’histoire des Jeux Olympiques, à Los Angeles, en 1984 : “C’est une coureuse qui a pu s’affirmer en tant que femme marocaine dans le monde arabe. Et pour une sportive cet univers n’est pas une mince affaire. J’admire aussi son ­parcours politique, car elle a pu se reconvertir, transition qui n’est pas toujours aisée non plus.” Et elle parle en connaissance de cause : “La capoeira est un art martial, par définition, c’est un ­milieu très masculin et ­machiste. Beaucoup de femmes ­finissent par arrêter. Au Maroc, j’ai croisé des filles qui ont persévéré, et j’espère pouvoir leur ­transmettre le courage et la volonté de continuer.”


Hasnaa reconnaît que, pour elle, les choses n’ont pas toujours été simples. Son père, footballeur et entraîneur à la carrière ­internationale, n’a pas vu d’un très bon œil qu’elle renonce à exercer un métier en rapport direct avec ses études pour se consacrer pleinement au sport. Mais gageons que ce ­patriote a dû être ­particulièrement fier de voir sa fille brandir le drapeau marocain lors des championnats du monde au Brésil à l’été dernier. 


 


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