Amine Bouizgaren, en haut de la vague
Adepte des sports de glisse, notamment de surf, depuis l’âge de 15 ans sur les plages marocaines, le natif d’Essaouira a remporté le prix du meilleur stand-up paddle surfeur de l’année en mai, au Danemark. Pays où il vit désormais et où il pratique sa discipline.
La mer, il la porte en intraveineuse. Rien d’étonnant pour quelqu’un né en 1986 à Essaouira, une ville reconnue pour ses spots exceptionnels. Surtout, Amine Bouizgaren s’est installé très tôt, à 15 ans, à Sidi Kaouki. Situé à 27 kilomètres au sud de l’ancienne Mogador, c’est “le” spot des amoureux de sports de glisse de l’Atlantique marocain. “J’allais déjà à la plage en étant jeune, explique le trentenaire. J’ai une relation forte avec la mer. Je dois une fière chandelle à mon père.” Car ce dernier, fonctionnaire du ministère de l’Intérieur marocain dans les collectivités locales, “a tout de suite perçu que ce serait un sport qui [le] passionnerait, quand il a vu la façon dont [il] regardai[t] les gens sur leurs planches”.
Un mix entre le surf et le kayak
A 16 ans, il débute le “boogie” (bodyboard) et essaie rapidement le surf, le paddle, le windsurf et le kitesurf. Très vite, le jeune Amine devient un mordu de sport de glisse. Il travaille alors avec un instructeur de surf allemand, basé à Sidi Kaouki. Il découvre ainsi un univers nouveau qui le passionne : le stand-up paddle surf (SUP surf). “J’ai essayé pas mal de disciplines de sport de glisse mais c’est le SUP surf avec vagues qui m’a le plus attiré. C’est un mix entre le surf et le kayak. On se met debout sur la planche et on a une rame en plus. Si les Marocains pratiquent le surf, nous ne sommes pas vraiment nombreux en SUP surf.”
Son bac en poche, il décide de se lancer dans des études de droit à l’université de Marrakech. L’aventure tourne court ! “C’était bien Marrakech, mais il n’y avait pas la mer. Cela n’était pas possible !”, indique le surfeur dans un éclat de rire. Il revient donc à Essaouira où il se spécialise dans la gestion hôtelière et restauration dans sa ville natale.
Du bénévolat associatif
Alors qu’il intensifie sa maîtrise du SUP surf, il croise la route d’une Danoise qui deviendra sa femme. Il quitte alors le Maroc en 2013 pour Copenhague et ses températures beaucoup moins douces. “Je savais qu’il y avait la mer à Copenhague et je pensais naïvement qu’il y avait des vagues, ce qui n’est pas le cas. Pour pratiquer mon sport, il fallait aller au nord du pays.”
A force de persévérance, il entre en contact avec un club qui lui ouvre ses portes et celles de la fédération danoise de surf. Amine Bouizgaren s’adapte assez rapidement au mode de fonctionnement danois. “Michaël, qui dirigeait le club, m’a expliqué que les Danois étaient très impliqués dans le bénévolat associatif. J’y ai vu l’opportunité de transmettre ma passion en tant que moniteur et entraîneur. D’autant que la fédération de surf danoise en était encore à ses balbutiements. On s’est mutuellement aidés.”
Il passe alors du SUP surf avec des vagues au SUP surf racing (course). Pour la première fois de sa vie, il se lance dans la compétition et y prend goût. Les résultats suivent très vite. Troisième du championnat du Danemark en 2013 et 2014, il remporte le SUP Race Tour d’Aarhus en 2015. Parallèlement à son activité de bénévolat et ses compétitions, il travaille dans un hôtel, au sein du département des conférences et réunions et prend des cours intensifs de danois.
Bien que blessé en 2016, il est, un an plus tard, le seul athlète marocain à défendre les couleurs du Royaume au championnat ISA World SUP et Paddebloard, qui se déroule dans son pays d’adoption. Une occasion rêvée de se mesurer à 250 participants venus de 40 pays. En 2018, il finit troisième en SUP Sprint et doit participer aux Championnats du Danemark et Suède cet été. Il espère de nouveau terminer dans le Top 3.
Faire venir “la crème” du surf danois
L’année 2019 a d’ailleurs bien commencé puisque l’athlète a été honoré en mai par le prix du meilleur SUP surfeur de l’année 2019 lors du Cold Hawaï Surf & Film festival qui s’est tenu à Thy au Danemark. “Je ne peux encore subvenir à tous mes besoins grâce à mon sport actuellement, regrette-t-il. Il y a juste trois surfeurs danois qui en vivent en tant que professionnels. J’ai des sponsors qui me font des réductions sur le matériel mais il faut que je travaille pour subvenir à mes besoins.”
Et si la vie d’Amine Bouizgaren se déroule désormais au Danemark, il n’en oublie pas pour autant son Maroc natal. Il rêve ainsi d’y créer un club de surf et de SUP surf. Il n’a d’ailleurs jamais coupé avec ses racines puisqu’il revient plusieurs fois par an au Royaume pour voir ses parents, mais aussi, bien sûr, pour se mesurer aux vagues folles des plages de Sidi Kaouki.
En 2016, profitant d’un tour d’une agence de voyages (coorganisé avec le ministère du Tourisme et la Royal Air Maroc), il avait fait venir “la crème” du surf danois, suédois et norvégien pour un périple allant du nord du Maroc jusqu’à Dakhla, réputée pour ses spots de sports nautiques. Une opération renouvelée deux ans plus tard.
Une fédération marocaine à faire évoluer
De belles occasions pour jeter un pont entre le Danemark et le Maroc, dont il promeut les mérites, soulignant notamment la vitalité du surf marocain, tant chez les hommes que chez les femmes. “On a de bons éléments au Maroc que ce soit en surf ou en windsurf. Pour être honnête, la fédération marocaine de surf est très efficace jusqu’en juniors. Ils s’occupent bien des choses, avec voyages et tournois. Par contre, dès qu’on passe en catégorie senior, on est lâché dans la nature et c’est à nous de trouver nos partenaires. Au Danemark, à ce niveau, la fédération aide les jeunes talents à trouver des sponsors. Au Maroc, il manque juste un peu de communication entre les athlètes et la fédération pour aller encore plus loin. Par exemple, pour ma participation aux championnats du monde, c’est la fédération danoise qui m’a donné le contact de la fédération de mon propre pays…”
Amine Bouizgaren garde espoir d’une bonne évolution de son sport et des sports de glisse au Maroc. Son souhait : le retour de compétitions internationales au Maroc (comme en 2015 à Taghazout) afin de promouvoir le Royaume. Un moyen aussi, pour lui, de faire découvrir au monde ses coins de plages paradisiaques et sauvages de Sidi Kaouki.