Sommet de la Ligue arabe : les contradictions du président Saïed

 Sommet de la Ligue arabe : les contradictions du président Saïed

En marge du Sommet arabe, président Kais Saïed est épinglé par l’opposition tunisienne qui souligne « les flagrantes incohérences d’un discours qui ne s’applique qu’à l’étranger ».

 

La présidence du Sommet a été remise à Abdelmadjid Tebboune par le président tunisien, Tunis ayant assuré la présidence de la dernière session qui remonte à 2019. Après une phase de léthargie notamment due à la pandémie mondiale, nombreux sont les observateurs qui voient en ce choix de timing un réveil opportun de la diplomatie algérienne, le gaz de l’Algérie étant plus courtisé que jamais à l’aune de la guerre russo-ukrainienne.

Grosse ombre au tableau cependant : l’absence de pas moins de 11 chefs d’Etats, soit la moitié des 22 membres que compte la ligue, pour diverses raisons, dont précisément la nécessité de se déplacer à Alger. Il s’agit du Maroc, des Emirats arabes unis, de l’Arabie saoudite, de la Libye, du Liban, du Soudan, d’Oman, de la Jordanie, du Koweït, du Bahreïn, et du Yémen.

 

Faites ce que je dis, pas ce que fais

En passant le flambeau à son homologue algérien après avoir présidé la 30ème session du Sommet arabe, le président Saïed a livré un discours étonnamment atypique pour un Sommet en temps de paix, faisant la part belle à une rhétorique belligérante : « Nous vivons aujourd’hui une guerre féroce contre ceux qui veulent la chute des pays arabes ! », a-t-il affirmé, le ton grave. S’il est fidèle à lui-même en ces velléités belliqueuses et complotistes qui structurent sa politique sur le plan national tunisien, la sortie de crise qu’il propose est en revanche aux antipodes des recettes qu’il applique dans son pays.

Panarabiste, Saïed a en effet appelé à ce que le Sommet d’Alger soit l’occasion de « rassembler les frères arabes autour de solutions communes pour dépasser les divergences du passé », saluant les efforts de son allié algérien dans l’unification des rangs arabes, et rappelant que les valeurs de l’entente cordiale et du dialogue sont ancrées dans la culture et la civilisation arabo-musulmanes.

Aujourd’hui mardi, au terme du Sommet, des médias tunisiens s’en amusent : il ne leur a pas échappé que contrairement à cette doctrine affichée de la concorde, le credo saïdiste lorsqu’il s’agit de politique nationale c’est tout sauf le dialogue, puisque le pays a renoué avec la pente raide de l’autocratie depuis le coup de force de juillet 2021. Un processus qui continue d’exclure l’ensemble des corps intermédiaires tout comme la totalité des partis politiques traditionnels.

La politique étrangère n’est pas en reste, puisque Carthage est accusé par l’opposition et une large partie de la société civile d’avoir mis la Tunisie dans le giron d’axes inédits (Alger – Tunis – le Caire), en rupture avec la tradition de neutralité du pays depuis l’ère bourguibiste.

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D’autres voix s’étonnent du fait que lors de son intervention, le président tunisien ait, conformément à son penchant altermondialiste, appelé à « trouver des modèles de société alternatifs, les inégalités étant responsables de l’exode massif des migrants tunisiens », là où son gouvernement continue à solliciter l’aide du FMI et ses impératifs éminemment libéraux. Autant d’inconséquences qui valent aujourd’hui à Saïed le quolibet de « président opposant », envers et contre tous, y compris sa propre équipe gouvernementale.