Violences policières : Madjid Behillil demande justice
Il y a un an, Madjid Behillil, se retrouve face à un véhicule de police alors qu’il circule à vélo. « Un policier se jette sur moi, puis c’est le trou noir » confie-t-il. L’homme se retrouve en soins intensifs avec un traumatisme crânien, une fracture du nez, un doigt cassé et des ecchymoses aux mains. Il se voit prescrire 20 jours d’ITT. Dès son réveil à l’hôpital, il sait que la police est responsable de son état et décide de porter plainte. Après une enquête de l’IGPN, pendant laquelle les policiers se seraient contredits entre eux et auraient modifié leurs dépositions, le parquet évoque « un acte involontaire ». L' agent aurait agit « par maladresse, en poussant le cycliste afin de le stopper, provocant ainsi sa chute ».
Le 16 janvier 2017, aux alentours de 16h Madjid Behillil, 40 ans, sort à vélo de la cité Lamartine à Villejuif (94), où réside son oncle. C’est sur le chemin du retour, à quelques minutes de son domicile que sa vie bascule.
“J’ai entendu une voiture arriver à fond derrière moi. J’ai cru que des jeunes faisaient un rodéo. Je suis monté sur le trottoir de peur de me faire renverser, et me suis retourné. C’est au dernier moment que je me suis rendu compte qu’il s’agissait de la police. Un agent est descendu, et s’est jeté sur moi. Il m’a asséné un coup sur le crâne. Ensuite c’est le trou noir. Je me suis réveillé adossé contre un muret. Face à moi, trois paires de bottes. Je n’arrivais pas à relever la tête. Je leur ai dit que j’allais porter plainte. Ils m’ont répondu ‘calme toi t’es tombé de vélo, les pompiers arrivent’. Puis de nouveau c’est le black-out ”, soupire l’homme à la silhouette frêle.
“Dès mon réveil, je sais que j’ai été victime de la police”
« Lorsque je me suis réveillé en réanimation, j’ai immédiatement dit aux soignants que c’était la police qui m’avait mis dans cet état » explique le quarantenaire. Laurent Sao son ami témoigne : « A mon arrivée à l’hôpital, j’ai vu Madjid en état de choc, il n’arrivait pas à parler. Quelques jours plus tard lorsqu’il m’a expliqué ce qui lui était arrivé, je l’ai convaincu de saisir l’IGPN ».
Un témoin retrouvé.
L’enquête permet de retrouver la patrouille en service le jour des faits ainsi qu’un témoin.
Ce dernier affirme« avoir vu un policier se jeter sur mon client et le pousser violemment au niveau du thorax et des épaules, ce qui aurait entrainé sa chute sur le coin d’un garage », indique Maître Messaoudi, l’avocate du jeune homme.
Tout comme son client, elle indique que ce témoignage contredit la première déposition des fonctionnaires qui affirmaient ne pas être descendus du véhicule et avoir vu l’homme chuter seul.
Autre fait troublant, lors de la première déposition, les policiers déclarent que Madjid Behillil se trouvait en possession de cannabis, mais affirment avoir détruit « la barrette ». Cet élément infirmé par Mr Behillil, ne donnera lieu à aucune procédure.
Une vie en stand-by
Pendant près d’un an Madjid Behillil sera considéré comme inapte au travail. Pourtant « une semaine avant l’incident, j’avais obtenu une promesse d’embauche et devait signer un CDI en tant que fleuriste » se désole le jeune homme, qui vit aujourd’hui du RSA.
Un procès « pour maladresse »
« Comment peut-on pousser par maladresse ? Pousser est un acte volontaire » s’indigne Maître Messaoudi, qui parle « d’une volonté de maquiller l’affaire ». Selon la pénaliste, qui a saisi le Défenseur des droits, les faits reprochés dépendent du tribunal correctionnel et non du tribunal de police, comme c’est le cas pour l’audience prévue ce vendredi 4 mai. Elle envisage donc de demander l’incompétence de la juridiction.
Le commissariat de Créteil (94), contacté pour l’occasion nous indique que le fonctionnaire mis en cause a été muté à La Réunion.
MISE A JOUR : LE 04-05-2018 – LE PROCÈS DE MADJID BEHILLIL RENVOYÉ
L'AUDIENCE PRÉVUE CE 4 MAI N'AURA DURE QUE QUELQUES MINUTES. L'AVOCAT DU FONCTIONNAIRE DE POLICE A DEMANDE LE RENVOI AU MOTIF QU'IL A ÉTÉ SAISI DE L'AFFAIRE TARDIVEMENT ET DANS LE BUT DE POUVOIR PRÉPARER SA DÉFENSE. LE PROCÈS EST RENVOYÉ AU 1ER JUIN 2018.
Céline Beaury