Un guide recense 200 noms de rues parisiennes rendant hommage à la colonisation

 Un guide recense 200 noms de rues parisiennes rendant hommage à la colonisation


Environ 200 noms de rues rendent hommage à des personnalités ou des événements liés à la colonisation à Paris et sa banlieue, selon le Guide du Paris colonial. L’idée de cet ouvrage est venue suite aux événements de la statue du général Lee à Charlottesville aux États-Unis, expliquent les deux auteurs Didier Epsztajn et Patrick Silberstein.


La rue d’Alger, nommée ainsi après la prise de la capitale algérienne durant la conquête ; la rue de la Nouvelle-France, colonie française d’Amérique du Nord ; la rue du Colonel-Dominé, hommage au conquérant du Tonkin ; l’avenue Bugeaud, vainqueur de la résistance algérienne de l’émir Abd el Kader, ou encore la rue Dupleix, nommée d’après Joseph François Dupleix, gouverneur général des Établissements français de l'Inde : Paris continue à afficher son admiration pour le passé colonial de la France. Le Guide du Paris colonial et des banlieues recense ainsi 200 toponymes de la sorte dans le grand Paris.


« A l’heure où le général Lee et ses statues équestres tremblent sur leur piédestal et s’apprêtent à quitter les rues et les places pour gagner (lentement mais sûrement) les musées états-uniens, il serait grand temps que le vent de la justice toponymique venu des États-Unis souffle sur les bords de Seine et que les Parisien-nes regardent parler leurs murs. Des murs dont on a voulu sciemment, délibérément et politiquement qu’ils disent la gloire de l’Empire colonial », expliquent les auteurs dans ce livre à nos confrères du site « Entre les lignes, entre les mots ».


Parmi les personnalités, dont beaucoup de militaires, recensés dans le guide, la plupart n’ont pas connu qu’une carrière en outremer. De Jules Ferry, les Français retiennent ainsi le réformateur de l’éducation nationale, mais oublient souvent le partisan de la « mission civilisatrice » de la France. L’action du Maréchal Lyautey, ministre de la Guerre durant la Première Guerre mondiale, ou celle du général Catroux dans les combats de la France libre ne doit pas faire oublier que le premier est un théoricien de la colonisation et l’artisan de la colonisation du Maroc, tandis que le second était gouverneur d’Indochine pendant la guerre.


Pour autant, les auteurs du livre ne pensent pas qu’il faille débaptiser toutes ces rues. « Bugeaud, il faut la débaptiser. Mais, dans de nombreux cas mieux vaut un panneau d’explication », plaident-ils. Ils saluent d’ailleurs les récentes initiatives pour honorer des personnalités ou des événements différents, avec l’arrivée de plaques comme celle commémorant la fin de la Guerre d’Algérie ou celle rendant hommage à Mehdi Ben Barka, figure tiers-mondiste enlevé à Paris en 1965.


Au cas où les idées de noms manqueraient à la marie de Paris et à celles de sa banlieue, Didier Epsztajn et Patrick Silberstein en suggèrent plusieurs : Frédéric Passy, premier prix Nobel de la paix pour son hostilité au colonialisme, les indigènes des régiments coloniaux qui ont pris Monte Cassino, la citoyenne Corbin, auteure d’une Marseillaise des citoyens de couleur, Hocine Belaïd, ouvrier communiste d’Aubervilliers tué par la police en 1952, ou encore Tran Tu Binh, l’ouvrier qui passa cinq années au bagne de Poulo Condor pour avoir dirigé la rébellion dans les plantations Michelin en Indochine.


Rached Cherif