Saint-Etienne: Yassine Bencheniti, héros oublié par l’Etat français
C’était il y a neuf mois, le 23 mai 2019, Yassine Bencheniti, « un sans-papiers » de 38 ans rattrapait in extremis une femme qui tentait de se jeter dans le vide de son appartement du 7e étage dans le quartier de Bellevue à Saint-Etienne.
Neuf mois après son geste héroïque, il a été débouté de sa demande d’asile et est donc menacé d’être expulsé vers son pays d’origine, l’Algérie. Ni la mairie, ni la Préfecture de la Loire ne l’ont contacté pour le remercier….
Pourtant, il existe dans le Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile la possibilité de donner une carte de séjour particulière à un étranger en situation irrégulière s’il justifie d’un « talent exceptionnel ou de services rendus à la collectivité ».
Comment vous sentez-vous ?
Physiquement, je ne suis pas au mieux de ma forme. En sauvant cette femme, je me suis blessé gravement au poignet et à l’épaule. J’ai une déchirure musculaire qui ne guérit pas. Cette semaine, je dois passer un IRM mais bien entendu, si c’était à refaire, je le referais.
Moralement, c’est dur aussi. J’ai fait une demande d’asile qui a été refusée. Je suis hébergé par le 115, mais après la trêve hivernale, je risque de me retrouver à la rue avec ma famille. J’ai une fille de 4 ans qui va à l’école ici, et ma femme va accoucher en mars.
Que se passe-t-il dans votre tête quand vous comprenez qu’une femme tente de suicider ?
Je vis dans l’immeuble en face de cette dame. Je l’ai vue sur son balcon s’agiter. Au début, je croyais qu’il y avait des voleurs chez elle. Une voisine m’a dit qu’elle essayait se suicider. Et là, je n’ai pas réfléchi. Je suis monté directement chez elle.
Elle pleurait, elle me disait de la laisser tranquille, qu’elle voulait mourir. J’ai réussi à la raisonner. La vie est dure mais il faut continuer à vivre. On ne peut pas abandonner comme ça.
Les pompiers et la police sont arrivés juste après….
Oui, voilà. On a discuté ensemble et ils m’ont remercié de mon geste.
Votre histoire a fait le tour du quartier. Vous êtes devenu un héros. La radio locale France Bleu en a parlé et pourtant, vous n’avez reçu aucun appel de la mairie ou de la Préfecture. Cela vous surprend-t-il ?
Oui, un peu. Je n’ai pas sauvé cette dame pour les honneurs mais un simple appel m’aurait fait du bien. Et puis, je suis hébergé par le 115 et bientôt, nous allons nous retrouver à la rue avec ma femme et ma fille. Je suis allé à la mairie pour parler de mon cas, mais personne ne m’a rappelé.
Que demandez-vous ?
Je demande juste un titre de séjour pour pouvoir travailler. Je ne veux pas vivre aux crochets de la société. Je veux subvenir aux besoins de ma famille. Je veux vivre comme une personne normale qui vit sur le territoire français.