Les enterrements douloureux des musulmans de France

 Les enterrements douloureux des musulmans de France


Najim El-Barrar a perdu sa mère le 28 mars. Avec la fermeture des frontières, pas moyen de l’emmener au Maroc pour l'enterrer, malgré un certificat de non contagion. Commence alors un périple pour trouver un cimetière musulman qui dure depuis 18 jours et une bataille avec la banque pour les frais de garde à la morgue.


La famille El-Barrar est meurtrie par une situation dont, hélas, ils n’ont pas les tenants et les aboutissants. Tout commence le 13 février dernier quand la mère de 8 enfants fait une crise cardiaque. Emmenée à l’hôpital de Gonesse, elle est mise sous assistance respiratoire artificielle jusqu’ à la fin mars. « Avec l’actualité du virus Covid-19, ils nous ont réunis, fin mars en nous disant avoir fait le maximum pour notre maman, nous raconte Najim El-Barrar. Ils voulaient la débrancher et demander d’être présents. On ne savait pas ce qui prévalait le serment d’Hippocrate ou la nécessite d’avoir un lit en réanimation. Elle n’était pas atteinte du COVID19 et tout a été chamboulé ! »


Après une lésion cérébrale, elle décède dans la maison familiale au bout de 9 jours, le 28 mars. La famille se trouve alors désemparée entre son envie de l’enterrer à Casablanca et celle de trouver un carré musulman en France. « Sa volonté était d’être enterrée au Maroc, nous explique le fondateur du magazine gratuit Orient Magazine. Il s’agit plus d’une tradition. Nous avons été confrontés comme tous les Marocains Résident à l’Etranger (MRE) à la fermeture des frontières. » Après des contacts avec l’Ambassade et les consulats du Maroc, il faut bien se rendre à l’évidence. L’enterrement ne peut avoir lieu qu’en France. « Normalement, on aurait pu l’enterrer là-bas mais cela n’était pas possible. Pourtant, on disposait d’un certificat de non-contagion. »


Lors de la mise en bière début avril, à la morgue de Sartourville, une autre complication se présente. « On ne pouvait rentrer que 4 par 4. Le souci, c’est que l’on ne peut pas démultiplier les prières de la Jenaza (prière du deuil, ndlr). On a pu mettre le cercueil sur le parking, où une cinquantaine de personnes a pu rendre hommage à ma mère. Ca a failli mal tourner car à la fin, 3 agents de police sont arrivés pour disperser la cérémonie. »


Comme aucune visibilité ne semble être possible après le 11  Mai et dans l’attente d’une solution, le corps de Madame El-Barrar est réfrigéré à la morgue. Faisant appel à la banque où sa mère avait cotisé pendant une quarantaine d’années, il se retrouve devant une situation inédite. «J’en veux à la banque. Imaginez-vous ! Vous devez enterrer votre mère et vous n’avez pas de solution. La morgue demande 600 euros par semaine pour la garder au réfrigérateur. La banque ne prend en charge qu’une semaine. Elle était prête à nous aider à payer la morgue jusqu’en septembre mais en ne participant qu’à hauteur de 550 euros par mois.» 


Ne souhaitant pas laisser leur mère dans cette situation, la famille décide de l’enterrer en France. Un autre calvaire les attend. « Nous nous sommes tournés d’abord vers le cimetière musulman de Bobigny, qui était  plein. Il date de 1937 et ce n’était pas possible à cet endroit. On a du chercher d’autres carrés musulmans. Je ne sais pas si c’est institué en quota mais on n’en trouve pas facilement. De nombreuses villes n’en disposent pas. Un peu comme "l’école à la carte", ça devient le "cimetière à la carte". Finalement, on a obtenu une place à Argenteuil. Elle sera enterrée demain. La terre d’ici et de là-bas est la même. »


Dans une tribune parue dans le journal le Monde, un collectif de 62 élus de différents partis politiques, emmené par Khadija Gamraoui, conseillère régionale LREM d'Ile-de-France s'inquiète de la situation et demande que les autorités "au niveau local comme national, prennent la mesure des difficultés rencontrées par une partie de nos concitoyens."


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