La laïcité à l’école : échec ou modèle exportable à l’étranger ?

 La laïcité à l’école :  échec ou modèle exportable à l’étranger ?

Congrès annuel de la Mission Laïque Française (MLF)


Le congrès annuel de la Mission Laïque Française (MLF), qui recense plus de 60.000 élèves à travers le monde, s’est ouvert samedi 14 avril à Deauville. Cette année le congrès aborde le thème de la laïcité à l’école, l’occasion d’échanger avec des universitaires de renom sur une question au centre de nombreuses polémiques.


« Etre laïc, c’est raisonner sans a priori, c’est à dire librement. C'est dans la méthode pédagogique distinguer le “je sais” et le “je crois” », affirme François Perret le président de MLF, lors du discours d’ouverture du congrès au Centre International de Deauville. La voix est posée, le ton est donné. Malgré la multiplicité des intervenants, politiques ou universitaires, la discussion sera apaisée.


La laïcité d’un point de vue juridique


Si depuis 2013 la charte de la laïcité est affichée dans les établissements scolaires, à côté de la Déclaration universelle des droits de l’Homme, l’historienne Valentine Zuber, rappelle que « la laïcité juridique en France (loi 1905) n’est pas une loi antireligieuse, mais une législation libérale et respectueuse des droits humains, qui ne peut être résumée à une succession d'interdits à l’école ».


Cette idée sera réaffirmée par Jean Christophe Deberre, directeur général de MLF, qui déplore que « la laïcité à la Française soit trop souvent assimilée à de l’athéisme. »



Jean Christophe Deberre, directeur général de MLF. Crédit photo: Franck Castel.


En pratique 


L’importance de l’enseignement « du fait religieux », fait l’unanimité auprès de la quinzaine d’intervenants présents. La connaissance de la culture et de la croyance de l’autre est un préalable au « vivre ensemble ». Mais il est également rappelé, que dans sa pratique, la laïcité nécessite l’équité.


Ainsi, Souleymane Bachir Diagne, philosophe et professeur à Columbia cite en exemple le maire de New-York qui a octroyé deux jours de congé dans les écoles pour l’Aïd el-Fitr et l’Aïd el-Kébir. Il invite la France à en faire de même, « cela serait perçu comme un signe d’hospitalité », conclut-il.


Valentine Zuber, met en garde : « Si la laïcité s’érige en un dogme athée et intolérant, cette dernière sera dévoyée, comme souvent dans les débats actuels. Elle se transformera en une laïcité liberticide ».


Un contexte de crise générale


« L’actualité récente avec l’immigration subsaharienne et du Proche-Orient et la question du terrorisme pèsent sur les réflexions vis-à-vis de la laïcité », affirme Michel Wieworka. Avant de poursuivre « ce qui touche la République, touche aussi l’école ». Il dénonce « les courants racistes ou nationalistes qui trouvent dans le discours de laïcité républicaine, le moyen de se légitimer ».


Pourtant personne n’est dupe. Si la laïcité revient au cœur des débats c’est bien, l’Islam qui est visé. Enfin, le sociologue pose la question de l'intégration des populations d’Afrique du Nord et déplore que « ceux qui autrefois étaient qualifiés d’arabes ou de maghrébins soient désormais définis comme musulmans »


Une nécessaire remise en question ?


« Pourquoi en France la laïcité à l’école ne fonctionne pas ? », c’est la question posée par Jean Baubérot face à l’auditoire. L’historien évoque la nécessité d’une remise en question de l’institution dans son rapport à la laïcité. Il s’indigne sur le fait que l’école se soit « focalisée sur les jupes trop longues, au détriment du harcèlement sexuel des jeunes filles ».


Afin de dénoncer « l’hypocrisie structurelle » d’un système, Il cite l’exemple de l’Armée, qui pratique « une laïcité inclusive, en servant des barquettes hallal ou casher aux soldats. Elle n’impose pas la sécularisation, et personne ne moufte ! Ni Valls, Marine Le Pen ! », conclut l’universitaire.


Céline Beaury