La Courneuve : La Préfecture ordonne la fermeture d’un commerce pour « quinze minutes de retard »
Djamel Adjili, gérant de D-A, une boutique spécialisée dans la livraison de denrées alimentaires en grande quantité et située à la Courneuve (93), ne décolère toujours pas depuis que la Préfecture de Seine-Saint-Denis a ordonné la fermeture de son magasin. La Préfecture lui reproche d’avoir dépassé l’horaire de fermeture « de quinze minutes ». Pour que le confinement soit mieux respecté en Seine-Saint-Denis, un arrêté préfectoral a été pris le 25 mars dernier, il contraint les commerces à fermer de 21 heures à 6 heures du matin.
Djamel Adjili affirme que c’est faux. « Il était à peine 20H50 quand le policier municipal est entré au magasin. D’ailleurs, j’ai déclenché l’alarme à 21h », comme tous les soirs martèle ce dernier. « J’ai des vidéos qui prouvent que le fonctionnaire de police ment », affirme Djamel Adjili.
Il est donc 20h50, selon Djamel et son frère, 21H15 selon la police, ce 2 avril quand l'agent pénètre à l’intérieur de D-A, un magasin situé au 6 rue Anatole France à La Courneuve, « Nous finissions de rentrer des palettes de marchandises quand il a commencé à nous verbaliser », raconte le gérant.
Quelques jours plus tard, les frères Adjili reçoivent un courrier de la Préfecture les ordonnant de fermer boutique et ce pour une période de 30 jours. « Depuis le confinement, c’est la première fois qu’on a un contrôle. Sur l’horaire, nous ne sommes pas tombés d’accord. Le policier affirme qu’il était 21h15, nous, qu’il était 20h50. Je m’attendais à une simple amende ou à un rappel à la loi, pas à ce qu’on me ferme mon magasin », dit dépité Djamel.
« Avec cette décision, ils m’ont mis à plat », enchaîne-t-il. Ce jeudi 23 avril, il a appris que « sa banque le lâchait ». « Je perds en moyenne par jour entre 15 000 et 20 000 euros. C’est dégueulasse et tellement injuste », fulmine encore Djamel qui ne sait pas comment il va pouvoir s'en sortir.
La décision de la Préfecture de la Seine-Saint-Denis a mis en colère également certaines associations, comme l’Association Le Grand Maghreb. « D-A nous offrait près de 40% de notre stock total », rappelle Brahim Mabrouki, l’un de ses porte-paroles. Comme beaucoup d’autres associations, « Le Grand Maghreb » fait des pieds et des mains pour aider la population locale à faire face à l’épidémie du Covid-19.
« A cause de la pandémie, de nombreuses familles de Seine-Saint-Denis, déjà très pauvres, font finir par crever de faim », s’alarme Brahim. « La décision de la préfecture est juste incompréhensible. Même si le gérant a fermé 15 minutes trop tard, mérite-t-il de voir son commerce disparaitre de la sorte ? », questionne Brahim. « Les frères Adjimi sont très connus dans le département pour leur générosité », continue le militant associatif.
L’association Le Grand Maghreb a écrit à la Préfecture pour leur demander de revenir sur leur décision. En vain. « En même temps, à la Préfecture, ce sont des bureaucrates qui ne vont pas sur le terrain et qui ne peuvent pas se rendre compte de l’urgence sanitaire », raille ce dernier. « Se rendent-ils compte que toutes ces associations pallient aux carences de l'Etat ?», interroge Brahim Mabrouki.
« Cette mesure est totalement disproportionnée, voire illégale, voire discriminatoire », explique Maître Saidi-Cottier, l’avocate de Djamel Adjili. « Nous attendons d’avoir tous les éléments et nous envisageons sérieusement de porter plainte», fustige l’avocate, ne comprenant pas la décision de la Préfecture. « Il y a ici deux gérants d’un magasin qui aident la population locale et au lieu de les féliciter, on ferme leur boutique. C'est scandaleux».
A la Préfecture, on reste sur ses positions. « Nous n'entendons pas retirer cette mesure de police fondée en droit et en fait », indique-t-elle. Avant de menacer : « le non-respect de cet arrêté de fermeture est un délit susceptible d'être puni de 2 mois d'emprisonnement et de 3 550 € d'amende ».