Incendie de Montreuil : « Kader a sauvé la vie de toute ma famille »
Il y a presque deux mois, dans la nuit du 5 au 6 février, Kader Salmi, 28 ans, un Algérien, en France depuis quatre ans, aurait sauvé la vie à tous les habitants de son immeuble. Huit familles, soit dix-neuf personnes, dont sept enfants.
Alors qu'un incendie venait de se déclarer dans un des appartements de son bâtiment situé avenue de la Nouvelle France à Montreuil (93), il aurait fait preuve d'un courage exemplaire. Un acte héroïque pas reconnu selon lui à sa juste valeur.
"La mairie sait ce qu'il s'est passé mais non, ils ne m'ont pas contacté", affirme Kader, qui tient à préciser d'emblée : "Je n'ai pas aidé tous ces gens pour recevoir des félicitations mais c'est vrai qu'un appel du maire m'aurait fait tout de même plaisir", continue un brin déçu le jeune homme.
Ce soir là, Kader est chez un ami. "Il faisait très froid et quand je suis rentré vers minuit chez moi, le couloir était rempli d’une fumée noire", raconte-t-il. Kader comprend tout de suite qu'il va falloir agir vite.
Cet électricien habite dans une maison de deux étages divisée en plusieurs appartements. Kader se précipite auprès de son épouse. Il la réveille et la fait sortir dehors. Alors qu'elle appelle les pompiers, elle tente de dissuader son mari de retourner dans l'immeuble en feu. Rien n'y fait.
"Elle me disait, "Les secours vont arriver, ne prends pas de risques", mais je ne pouvais pas laisser tous ces gens périr dans les flammes", explique-t-il de sa voix calme.
Kader se met alors à "toquer à toutes les portes". "Parfois, j'ai dû m'y reprendre à plusieurs fois tellement les gens dormaient, souligne le jeune homme. Prenant son courage à deux mains, Kader entre alors à l'intérieur des appartements, s'occupe d'évacuer des familles entières.
"A un moment, la fumée était tellement épaisse que j'ai dû me servir de draps pour faire sortir les gens", continue-t-il encore. Parmi eux, il y avait des enfants.
"Kader a sauvé la vie de toute ma famille", témoigne son voisin Abderahim, 37 ans, papa de deux filles en bas âge. "Nous dormions tous. C'est lui qui est venu nous réveiller", dit-il encore toujours ému.
"A force de faire des allers-retours dans l'immeuble, mes yeux sont devenus tout rouge, se souvient Kader. "J'ai failli mourir. La fumée m'étouffait". Quand les pompiers arrivent vingt minutes plus tard, les dix-neuf personnes dont les sept enfants sont déjà dehors, sains et saufs, à contempler ce qu'il reste de leur immeuble.
Les soldats du feu mettront une heure 30 à éteindre l'incendie. Quelques habitants évoquent un conflit entre le propriétaire et les locataires de l’appartement d'où est parti le sinistre. Ces derniers n'ont plus donné signe de vie depuis.
Le lendemain de l'incendie, le maire Patrice Bessac pointait du doigt dans un tweet "le mal logement". "J'adresse un message de fermeté à tous ceux qui s'enrichissent sur le dos de la pauvreté", écrivait le premier édile, promettant "dans les mois qui viennent le dispositif "Permis de louer".
Mais rien sur l'acte héroïque qu'aurait commis Kader Salmi. Joint, l'entourage du maire affirme "ne pas être au courant". "J'ai entendu parler d'une solidarité entre les habitants mais pas forcément du sauvetage des dix neuf locataires par un seul homme", précise Florian Vigneron, maire-adjoint en charge des solidarités, qui avait suivi de très près l'affaire. Joint, le commissariat de Montreuil n'a pas souhaité également répondre à nos questions.
Ce samedi 24 mars, Kader et tous ses voisins ont enfin pu réintégrer leurs appartements après avoir passé près de deux mois dans des hôtels ou chez des amis. "Avant, on se disait à peine Bonjour. Aujourd'hui, on est tous devenus des amis", sourit le jeune homme. "C'est le héros de l'immeuble, martèle Abderahim. On n'oubliera jamais ce qu'il a fait pour nous tous".
Nadir Dendoune