Des intellectuels juifs appellent les députés à ne pas confondre l’antisionisme et l’antisémitisme
Dans une tribune, 127 « universitaires et intellectuels juifs, d’Israël et d’ailleurs », s’opposent à une proposition de résolution initiée par le député LREM Sylvain Maillard, examinée ce mardi à l’Assemblée. Une proposition de résolution non contraignante.
« Nous, universitaires et intellectuels juifs, d'Israël et d'ailleurs, dont beaucoup de spécialistes de l'antisémitisme et de l'histoire du judaïsme et de l'Holocauste, élevons notre voix contre cette proposition de résolution », écrit ce collectif dans une tribune au Monde daté de mardi.
Parmi les signataires figurent plusieurs professeurs – ou ex-professeurs – en poste à Paris, Oxford (Angleterre), Princeton (Etats-Unis) ou encore Jérusalem. Sans valeur contraignante, la résolution soumise à l'Assemblée le 3 décembre a été proposée par Sylvain Maillard et ne fait pas consensus dans la majorité.
Elle suggère de reprendre la définition de l'antisémitisme de l'Alliance internationale pour la mémoire de l'Holocauste (IHRA), déjà validée par plusieurs pays et appuyée par Emmanuel Macron en février devant le CRIF (Conseil représentatif des institutions juives de France). Le président avait alors affirmé vouloir élargir la définition de l'antisémitisme à l'antisionisme.
La résolution est « hautement problématique », affirme le collectif dans sa tribune. D'abord parce qu'elle « assimile […] l'antisionisme à l'antisémitisme ». Or « pour les nombreux juifs se considérant antisionistes, cet amalgame est profondément injurieux », affirme le collectif.
« Certains juifs s'opposent au sionisme pour des raisons religieuses, d'autres pour des raisons politiques ou culturelles. De nombreuses victimes de l'Holocauste étaient antisionistes », rappelle le collectif.
« Pour les Palestiniens, le sionisme représente la dépossession, le déplacement, l'occupation et les inégalités structurelles. […] Ils s'opposent au sionisme non par haine des juifs, mais parce qu'ils vivent le sionisme comme un mouvement politique oppressif ».
La deuxième raison est que la définition de l'antisémitisme de l'IHRA elle-même serait « hautement problématique », « peu claire et imprécise ». Elle est en outre « déjà utilisée pour stigmatiser et réduire au silence les critiques de l'Etat d'Israël, notamment les organisations de défense des droits humains », estime le collectif.
« Nous ne pouvons pas considérer cela comme indépendant de l'agenda politique principal du gouvernement israélien visant à enraciner son occupation et son annexion de la Palestine et à faire taire toute critique », estiment les signataires qui s'inquiètent de voir « un soutien politique, jusqu'en France ».
Selon le collectif, « l'antisémitisme doit être combattu sur des bases universelles, au même titre que d'autres formes de racisme et de xénophobie, pour lutter contre la haine ».
Sylvain Maillard, lui, veut rendre pénalement condamnable l'antisionisme. « Je hais Israël, ça veut dire je hais les juifs. C'est l'arcane de la fabrication de l'antisémitisme », avait-il plaidé.
Lors du dîner du Conseil représentatif des institutions juives de France (CRIF), le 21 février 2019, le président de la République Emmanuel Macron s’était dit favorable à l’adoption de cette définition, jugeant que l’antisionisme constitue « une des formes modernes de l’antisémitisme ».