Colombes- Frigo solidaire : « La mairie me l’a enlevé parce que mon commerce est halal »
En posant un frigo solidaire fin mai devant son commerce situé boulevard Charles-de-Gaulle, à Colombes (Hauts-de-Seine), Taous Bacha, gérante du magasin Halfresh (une épicerie qui propose du surgelé halal) ne s'imaginait pas une seconde qu'un mois et demi après son installation, deux policiers municipaux viendraient en personne lui demander de l'enlever.
"Ils m'ont dit que j'utilisais la voie publique sans autorisation. J'ai protesté en faisant remarquer qu'il ne gênait personne. Quand ils ont menacé de me mettre une amende de 1500 euros, je n'ai pas eu d'autre choix que d'obtempérer", lâche-t-elle un brin décontenancée.
Un frigo solidaire permet à la fois de lutter contre le gaspillage en permettant aux habitants du quartier de déposer leur nourriture, aux commerçants leurs invendus et aux personnes démunies d'en profiter. Un dispositif qui profite donc à tous et qu'on aimerait voir se multiplier un peu partout en France.
Officiellement, la mairie confirme reprocher à Taous Bacha "l'utilisation de la voie publique sans autorisation". Toujours selon elle, de nombreux riverains se seraient également plaints : la mise en place de ce frigo solidaire aurait engendré des nuisances.
Pour Taous Bacha, la décision de la mairie serait à chercher ailleurs. Elle aurait quelque chose à voir avec le fait qu'elle vende des produits halal dans son magasin. "Je suis en froid avec elle depuis quelques temps", explique la jeune femme. "Il y a trois ans, quand j'ai décidé d'ouvrir ma boutique, je voulais obtenir une autorisation de pose de façade. Mais la mairie a refusé parce que mon commerce ne correspondait pas à la mixité sociale du secteur" relate-t-elle. A la mairie, on lui aurait même dit que "le problème c’est que je ne vends ni porc, ni alcool".
A l'époque, Taous Bacha décide de se battre et porte l'affaire devant les tribunaux qui lui donnent finalement raison. Sachant les relations avec la municipalité tendues, elle préfère se rendre directement en mairie pour leur exposer son projet de frigo solidaire et obtenir ainsi une autorisation en bonne et due forme.
Nous sommes alors en février 2018. Sans réponse, elle installe le fameux frigo solidaire devant son magasin fin mai. Elle est loin d'imaginer la suite. "Je ne gagne pas d'argent en faisant ça. C'est vraiment pour aider les plus démunis. C'est dommage parce que ça tournait plutôt bien. Chacun y trouvait son compte", rappelle Taous. "Le frigo se remplissait aussi vite qu'il se vidait", précise-t-elle encore.
Pour faire taire la polémique, Taous Bacha rappelle que le frigo "n’est pas du tout halal, c’est le commerce qui est halal !". "Le frigo était sur la voie publique. A plusieurs reprises, des voisins ont mis des produits dans le frigo solidaire qui n’étaient pas halal. Ils pouvaient même y déposer du porc, ça ne m'aurait pas dérangé", tient-t-elle à rappeler.
Autre grief évoqué : l'installation du frigo solidaire aurait engendré des nuisances. "J'ai reçu un courriel de mon syndic qui m'informait des nombreuses plaintes des riverains. Ils étaient excédés par les nuisances qui auraient commencé depuis l'installation du frigo solidaire. Mon propriétaire s'est renseigné. Au final, il y avait seulement deux personnes qui se sont plaintes ! Deux personnes qui ont été incapables de dire de quelles nuisances il s'agissait", peste Taous.
La jeune femme se dit déçue. "Le frigo n’a pas d’étiquette commerciale, c’est vraiment un frigo en libre-service que tout le monde peut utiliser, que les voisins peuvent utiliser pour mettre des produits ou pour se servir. Il n’a rien à voir avec mon activité. Si je l'ai mis sur la voie publique, c'était pour le dissocier de mon activité", insiste encore Taous.
Le frigo solidaire est désormais à l'intérieur du magasin. "Mais ce n'est plus pareil : les gens sont gênés et ils n'osent pas venir se servir", regrette la jeune femme qui a contacté l'association des frigos solidaires, espérant qu'elle l'aidera "à trouver une solution".
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Des frigos solidaires contre la précarité