Blogueur voyageur, la belle aventure

 Blogueur voyageur, la belle aventure

Crédit photo : Black Pack over the World – Patrick Robert/M6


Entre amis, en famille ou solo, les auteurs de blogs de voyage n’ont jamais été autant suivis, et le phénomène prend de l’ampleur. Leurs pérégrinations à travers la planète projettent une image positive des Maghrébins, ouverts au monde et aux autres. 


A eux deux, Mhamed, directeur d’une maison d’associations, et Naïm, professeur d’histoire, totalisent plus de 80 périples à travers le monde et ne sont pas près de déposer leurs bagages. Ces deux amis se sont lancé un défi : “transformer [leur] passion du voyage en mode de vie, assouvir le plus possible ce besoin viscéral d’aller vers l’autre, découvrir des peuples, des ­ethnies, des cultures et des religions, et donner envie à un maximum de personnes d’en faire autant !”


Leur aventure a commencé il y a quinze ans, quand ils se sont rencontrés sur les bancs de la fac de Nanterre. Alors que l’un est en échange universitaire à Montréal, l’autre décide de le rejoindre pour explorer pendant trois semaines l’Amérique du Nord. Cette première ­expérience se révèle concluante et leur donne envie d’explorer d’autres contrées. Dix ans plus tard, le virus du voyage à deux les contamine de nouveau. Et cette fois-ci, ils ne comptent plus se ­lâcher, d’autant plus qu’ils sont devenus populaires. “Au début, on postait de courtes vidéos sur Snapchat pour nos proches, qui nous ont encouragés à nous baptiser les Blackpackers. Lors de notre voyage au ­Sri Lanka, on a posté une vidéo et quelques jours plus tard, elle avait été visionnée des milliers de fois. On ne ­s’attendait pas à un tel engouement !”



Prouver qu’“il n’y a pas que le bled”


Humbles dans leur démarche, Mhamed et Naïm veulent privilégier les destinations hors des sentiers battus, comme récemment l’Ethiopie, pour prouver qu’il n’y a pas que “le bled ou Punta Cana qui existent quand on vient de banlieue ! D’ailleurs, cette étiquette de banlieusard ne nous colle à la peau qu’en France. Partout ailleurs nous sommes considérés comme des touristes français, indépendamment de notre couleur ou de notre religion”.


Si, pour le moment, les deux amis doivent attendre leurs congés et mettre de l’argent de côté pour voyager, ce n’est plus le cas de Salim et Linda, les vainqueurs du jeu télévisé Pékin Express, en 2013. Leur blog, Les Amoureux voyageurs, s’offre le luxe de “faire de leur kif un travail” pouvant visiter jusqu’à quatre destinations par mois. “Le passage à la télé a été un véritable boosteur pour accroître notre visibilité. Nous avons même dû prendre un agent pour gérer les demandes des offices de tourismes, des compagnies aériennes et des marques d’équipement. Pour autant, nous gardons à l’esprit notre dimension pédagogique qui est de créer des passerelles entre les populations et de tordre le cou au cliché du musulman intolérant, qui vit en autarcie et qui ne s’ouvre pas aux autres. Et, par les temps qui courent, la mission n’est pas vaine”, explique Linda.


Et son époux de renchérir : “On nous arrête dans la rue pour nous remercier de l’image positive qu’on renvoie qui ‘ne fait pas honte à la communauté’. Pour une fois qu’on peut voir des Arabes sans parler de délinquance, de problèmes sociaux ou autre ! Nous rentrons dans le paysage médiatique avec des ondes positives, sans pour autant ­cacher ce que nous sommes.”


Si, au début, le couple n’osait pas parler de religion dans les vidéos, ils n’hésitent plus à proposer à leurs followers de bonnes adresses “muslim friendly”, comme les restaurants halals et les lieux de cultes incontournables. Un pari risqué qu’ils assument, quitte à se faire boycotter par certains sponsors. Sans langue de bois, Salim dénonce : “Très clairement, notre audience, composée majoritairement de Maghrébins, ne plaît pas dans le monde du voyage. De nombreuses marques préfèrent se tourner vers des blogs moins influents mais aussi moins estampillés musulmans.”


 


Oui, une femme arabe peut parcourir le monde !


Un boycott qu’a également connu My Travelling Family, anciennement Muslim Traveller Family. Même si la maman, Farah, porte le voile, il n’est plus question d’aborder les voyages sous l’angle religieux. Le couple joue plutôt la carte du voyage “avec la tribu” en compagnie de leurs quatre enfants.


L’aventure en famille est, en effet, un concept qui fait des petits sur le Net au sein de la communauté. Mentionnons la famille Benabadji et sa page Facebook Open Village. Son pari ? Parcourir le monde en valorisant les initiatives solidaires de villages reculés (baptisés les “open ­villages”) : une ferme de permaculture au Vietnam ou une université des va-nu-pieds en Inde.


Il y a aussi les tribulations des Atmani, une famille ­marocaine de trois enfants qui a entrepris un tour du monde de cinq ans à bord d’un camping car. Leurs pérégrinations peuvent être suivies sur leur page Facebook, Planet Khmissa. Ils se trouvent en ce moment entre la Bolivie, le Pérou et l’Argentine. “Nous n’avons jamais autant rectifié les clichés sur les Arabes, les Musulmans et les ­Marocains, et nous en sommes très heureux”, confessent-ils.


Le groupe des voyageuses animé par la bloggeuse Houda Chaloun (Moroccannomad.com) va aussi à l’encontre des stéréotypes en tentant de faire comprendre qu’on peut être une femme arabe et parcourir le monde seule sans être vulnérable et à la merci d’un homme. Cette communauté de baroudeuses marocaines compte 100 000 adhérentes à travers la planète. Elles partagent vidéos, photos, et conseils en tous genres.


Le phénomène n’en est qu’à ses débuts, mais, à en ­juger par le succès du quatrième Salon des Blogueurs de Voyage, qui s’est tenu en avril dernier à Saint-Malo et a réuni quelque 250 blogueurs et plus de 100 professionnels, il est promis à un bel avenir. La clé du succès selon Linda ? “Ne jamais transgresser son éthique, être spontané et naturel et ne surtout pas scénariser les ­vidéos, c’est comme ça que les internautes s’attacheront à votre personnalité.” Parole d’experte ! 


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