À table pour la fraternité : « entrer en résistance »
Liberté, égalité, fraternité. Une devise mise à mal que l’association Fraternité Générale veut rendre « vivante ». Chaque année, cette association organise un événement attirer l’attention des médias. Cette année, le grand repas participatif, d’hier soir (10 octobre), au cœur de la Place de la République (Paris) a marqué les esprits. Abdennour Bidar, président de Fraternité Générale, nous en dit plus.
Quel est le message porté par un tel événement ?
L’idée c’est de montrer la force de la fraternité dans le pays. Nous avons rameuté toutes les associations qui travaillent autour de la place de la République : venez montrer la force de la fraternité dans notre pays. Invitez tout le monde, tous les gens qui passent place de la République à venir manger. Nous sommes allés voir tous les commerces du quartier en leur demandant : « Qu’est-ce que vous avez à nous donner ? » Ils nous ont presque tous donné des choses. En même temps, dans un certain nombre de villes en France, des villes ont fait la même chose.
Tous les ans, nous organisons un événement phare pour attirer l’attention des médias. Pour qu’on arrête de dire « en France tout va mal, les gens sont égoïstes… ». Ce qui n’est pas faux, mais nous voulons créer un grand mouvement collectif pour que de plus en plus de s’engagent. Nous Français, si on dit liberté, égalité, fraternité, aujourd’hui on n’est pas à la hauteur de la devise. Il y a trop d’inégalités en France, trop de discriminations, pas de fraternité. Il faut un sursaut de la société civile, sinon on va à la catastrophe.
Quand et comment a débuté l’action de l’association ?
Nous existons depuis trois ans. Ce qui nous a donné un coup de fouet, ce sont les attentats. Nous nous sommes dit : « c’est sûr les terroristes sont très méchants mais notre société est très malade surtout ». Ce qui est en train de nous arriver nous questionne aussi sur l’état de la France aujourd’hui. Donc ça nous renvoie aussi à nous même. Où on en est ? Est-ce qu’on peut se regarder dans la glace, notamment sur l’égalité et la fraternité ? Et on voit régulièrement qu’en réalité, non. On n’arrive pas à accueillir les migrants, alors qu’on devrait savoir. On voit les inégalités sociales se creuser dans notre société. Je travaille du côté de l’école, je vois des phénomènes de grande pauvreté chez les élèves. On voit bien que, dans les zones très rurales et dans un certain nombre de banlieues, il y a des séparations sociales qui sont terribles. Il n’y a plus de mixité sociale, économique ou culturelle. On ne peut pas continuer de dire la bouche en cœur : « Liberté, égalité, fraternité ». Il faut que ça devienne une réalité vivante.
Un constat sans espoir ?
Ce constat appelle à la mobilisation. Il ne faut pas céder au sentiment d’impuissance, tout est foutu, on ne peut rien faire, on attend tout des politiques et ils ne font rien, etc. Non ! Nous avons dit « ça suffit maintenant ». Nous devons nous mobiliser. On a cette notion dans notre devise, nous devons la faire vivre, parce qu’elle est restée trop longtemps théorique, trop longtemps abstraite.
Comment jugez-vous l’évolution de la situation en trois ans ?
Ça reste compliqué. Il ne faut pas se leurrer, il ne faut pas être exagérément optimiste. Nous sommes dans un moment de société qui est très difficile, à l’intérieur d’un moment de civilisation. C’est pas seulement la société française. Nous avons un système économique mondiale aujourd’hui qui est non seulement comme l’a dit Naomi Klein, en guerre contre la planète. Mais qui est en guerre aussi contre l’humanité des gens. Et contre la solidarité à l’intérieur des sociétés. Il faut entrer en résistance. Contre un système qui détruit beaucoup trop, non seulement le lien qu’on a à la nature, mais le lien social, le lien de partage, de solidarité dans toutes les sociétés du monde. Donc Donc on a une responsabilité et notre idée c’est de dire à chacun « lève-toi et marche ! ».
Propos recueillis par Charly Célinain