Sncf : La cheminote Naoual El Ouahta a le rail dans les veines
Derrière les chassés-croisés des vacanciers, les fortes chaleurs et travaux sur les lignes, les agents de la SNCF sont mis à rude épreuve. La cheminote, Naoual El Ouahta, fille d’un « chibani » retraité de la compagnie du rail, se dévoue pour la ligne Transilien K et arrive à gérer le stress, les décisions et les petites mains nécessaires à l’ensemble du réseau. Portrait.
Chez les El Ouahta, on a la passion du rail. De celles qui ne s’expliquent pas. Des trains, des gares et des voitures pleines de voyageurs qui arrivent à quai sans encombres. Naoual aime son métier et ça se voit. Une sorte d’insigne d’honneur ! « J’avais beaucoup de capacités à l’école mais je ne les exploitais pas forcément, indique la native de Villeneuve Saint-Georges. Après des études à la faculté qui ne me plaisaient pas particulièrement, mon père m’a fait signer un dossier un matin. C’était pour participer à un concours de la SNCF. »
Si le lien des El Ouahta est si fort avec le train, c’est que le père, originaire de Rabat, a débuté sa carrière de l’autre coté de la Méditerranée. Il travaille alors pour l’ONCF et intègre la SNCF au bénéfice d’une convention entre les compagnies de rail en 1978. Pourtant tout ne se passe pas comme prévu.
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Le concours qui rend fier son père
Après une dure vie de labeur, il fait partie des chibanis que la SNCF n’a pas indemnisé correctement pour leurs retraites. Une blessure pour ce passionné qui a du attendre 10 ans et une décision de justice pour récupérer son dû. Pour autant, sa fierté est grande quand sa fille devient cheminote avant lui. »J’étais l’ainée et la seule de ma famille à faire partie de la société. Je n’étais pas une contractuelle. C’était un véritable challenge. J’étais fier d’avoir réussi ce concours des agents de la SNCF. »
Malgré le traumatisme que cela aurait pu causer, le père de Naoual n’a eu de cesse d’encourager sa fille à intégrer l’entreprise publique. « Je ne l’ai pas très bien vécu car ça a duré près de 10 ans. Des chibanis sont morts avant de pouvoir toucher leur dû. J’étais tiraillé entre ma famille et ce métier que l’on aime. Mais, mon père m’a dit que c’était son combat à lui. Je n’étais pas dans la même situation. »
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Une vie autour du rail
La famille habite alors une cité SNCF à Villeneuve Saint-Georges, la cité Kennedy. La plupart des familles sont alors employées dans la compagnie française. Elle baigne dans une vraie « culture cheminot » à la maison. Après son intégration, elle débute en tant qu’agent commercial et termine souvent le soir même si les quais ne sont pas toujours fréquentables à 1h du matin. Elle passe ensuite à la gestion de paie au sein des ressources humaines avant de travailler à la gestion opérationnelle.
Après avoir appris tout le mécanisme d’un train, elle gère dorénavant le passage de 34 trains du transilien K au départ de la gare du Nord qui commence à 4h30 du matin et finit après 22h00. « Je diffuse l’information voyageurs et rétablis le transport en cas d’aléas. La sécurité des rames est importante également. Je peux supprimer ou adapter un train si une panne est signalée par le conducteur. »
Et, l’été est une période sensible pour la SNCF. Tout d’abord, il faut gérer les travaux en tous genres sur les lignes. Naoual El Ouahta applique alors la « prise en charge voyageurs » pour s’assurer que le service ne soit pas interrompu. De plus, elle doit faire face à la surfréquentation des trains mais aussi aux aléas climatiques. « Nous sommes toujours en lien avec les instituts de météorologie, notamment pour les fortes chaleurs et les malaises qui peuvent en découler. De plus, nos trains ne sont pas les seuls à circuler sur ses rails. Il va falloir défendre notre activité avec les régulateurs du réseau. Même quand le plan de transport est à zéro minute de retard, on est toujours en veille. »
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Stress et Tetris
Fidèle à son poste à responsabilité, elle doit gérer un stress important avec une multitude d’informations et des décisions qui doivent être prises le plus rapidement possible. « J’ai toujours une oreille baissée à ce poste. On a l’air de ne pas écouter mais en fait, on écoute tout ce qu’il se passe (autres lignes, centre de régulation, conducteur, etc..). Va se mettre en place dans notre tête un espèce de « Tetris », en arrêtant, supprimant ou laissant partir d’autres trains. Suivant l’impact, on peut s’appuyer sur des scénarios pré établis. Je suis en bout de chaine et travaille le jour J ! »
Et si la grogne se fait entendre en cas de retard, l’information voyageurs fait partie des priorités de son poste. « Nous devons donner une information dans les 3 minutes qui suivent un incident. Non seulement je dois rétablir mon plan de transport mais aussi informer les clients dans les gares, les trains, etc.. Au bout de 3 minutes, je dois donner la cause. »
Naoual El Ouahta se dit heureuse d’avoir la meilleure régularité de la SNCF sur la ligne K. « C’est une ligne courte qui a moins de trains. Le RER B ou H ont des bonnes performances mais on parle de 400 trains par jour. »
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« On est jamais assez jeune ou vieux pour apprendre ! «
Impliquée dans son travail, la quadragénaire et maman solo de 3 enfants s’est aussi lancée en politique. Elue parent d’élève pendant plusieurs années, elle est aussi formatrice dans la lutte contre les violences faites aux femmes et à la réinsertion par l’emploi. Lors des dernières élections, elle devient adjointe au maire à Villeneuve Saint-Georges en charge de la vie des familles, de la cohésion et des droits des femmes. « La solidarité, la bienveillance et les marques d’inégalité ou d’injustice sont importantes pour moi. Il faut dire ce que l’on pense même si cela ne plait pas. Je voulais m’impliquer davantage dans ma ville dans des fonctions qui n’ont rien à voir avec la mobilité. On est jamais assez jeune ou vieux pour apprendre ! »
Pour Naoual El Ouahta, le rail a encore de beaux jours devant lui avec le réchauffement climatique et les questions d’environnement. Elle se voit bien finir dans cette entreprise qui a une expertise particulière dans la mobilité de voyageurs. Cette expérience reconnue s’exporte et notamment au Maroc. » J’adore prendre le train au Royaume pour vérifier comment cela se passe. Le réseau marocain de l’ONCF est très bon, de plus en plus fluide et commence à faire attention à ses clients. Les lignes LGV sont un exploit et j’aimerais y participer. Un des mes rêves est de pouvoir ramener cette expertise dans le centre de formation de la ville d’origine de mon père. »
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