Six mois de prison ferme pour une parodie du Coran

 Six mois de prison ferme pour une parodie du Coran

Emna Charki

Emna Charki a été condamnée mardi par la justice tunisienne à six mois de prison ferme pour avoir partagé sur Facebook « sourate corona », une publication imitant le style du coran pour parler du Covid-19. Elle écope aussi de 2000 dinars d’amende. Ses 11 avocats ont fait appel.

 

Le Tribunal de première instance de Tunis a condamné mardi 14 juillet la blogueuse Emna Charki à six mois de prison ferme pour avoir relayé sur les réseaux sociaux une sourate du Coran, détournée afin d’inciter à se laver les mains pour se protéger du Covid-19.

La jeune femme de 27 ans a été reconnue coupable « d’atteinte à la religion et d’incitation à la haine », après avoir partagé le 4 mai dernier sur le réseau social cette publication intitulée « sourate corona ». Neuf mois après l’arrivée au pouvoir du président Kaïs Saïed, juriste de formation, son procès avait selon l’AFP « une valeur de test pour la liberté d’expression en Tunisie ».

Début mai 2020, la blogueuse avait été convoquée par la police judiciaire. Deux jours plus tard, elle passait devant la justice pour atteinte à l’article 6 de la Constitution tunisienne édictant que « l’État protège la religion » et « le sacré ». Pour la défense, il s’agissait d’une délation sur fond de différends idéologiques. Or, la même Constitution de 2014, l’Etat garantit aussi la liberté de conscience.

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« Sept membres du bureau du procureur public m’ont soumise à un interrogatoire serré », avait alors témoigné la jeune femme. Le 7 mai, elle fut inculpée pour « incitation à la haine entre les religions en utilisation de procédés hostiles ou de violence », en vertu de l’article 52 du décret de loi relatif à la liberté de la presse.

 

Menaces de mort

Emna Charki affirme faire face à des menaces de mort, des intimidations, et « des appels au viol relayés sur les réseaux sociaux ». Le 13 juillet, elle affirme qu’elle est contrainte de quitter le domicile que loue sa famille, sous pression du propriétaire des lieux.

« J’ai vraiment peur car je n’avais aucune mauvaise intention, je ne pensais pas que cela prendrait une telle ampleur et qu’on en arriverait à des menaces. Je ne bénéficie d’aucune protection donc j’en suis arrivée au point d’avoir peur pour ma propre vie. Je n’ai plus d’avenir en Tunisie, je n’y suis plus en sécurité », confiait-elle, sans toutefois vouloir quitter le pays.

Le jour de reprise de son procès début juillet, Emna Charki expliquait cependant vouloir « défendre jusqu’au bout la liberté d’expression » tout en assumant le partage de la publication.

Depuis le début de l’affaire, Charki a bénéficié du soutien de plusieurs associations de défense des droits humains. Détourner le Coran pour sauver des vies n’a « rien d’illégal », estiment-elles. Le 27 mai, Amnesty international appelait les autorités tunisiennes à « mettre un terme aux poursuites engagées contre Emna Charki », à « enquêter sur les menaces de mort et de viol qu’elle reçoit et à assurer sa protection. »

Pour le politologue Youssef Cherif, certains magistrats tunisiens gagneraient à retenir les leçons de procès contre-productifs similaires dès 2013, qui n’ont fait que rendre célèbres les auteurs de « blasphèmes » et leur faciliter l’asile politique à l’étranger, avec au passage une atteinte pour l’image du pays à l’international. Aujourd’hui mercredi, le verdict fait notamment la Une du New York Times.