Sexe et pornographie. Les enfants aussi
Quel est le point commun entre Freud et les rabbins contemporains ? Ils sont tous d’accord pour constater que la libido mène le monde. Sauf que pour le père de la psychanalyse dont beaucoup de disciples ont relevé les nombreuses escroqueries intellectuelles, tout s’explique par le sexe, y compris les relations parentales. Et pour les religieux, c’est l’explosion du sexe sous toutes ses formes qui perdra le monde.
On ne va pas se voiler la face, le sexe mène le monde et que ce soit chez les partisans de « l’ouverture » ou chez ceux qui veulent cadenasser la société, la libido règne en maître. Mais là n’est pas notre propos, les échos qui remontent des écoles et des lycées sont particulièrement inquiétants. Ce qui préoccupe aujourd’hui bon nombre de parents et d’éducateurs au Maroc, (comme dans beaucoup d’autres pays d’ailleurs) c’est l’omniprésence de « la bagatelle » chez des ados à peine sortis de l’enfance et peut-être même pas, puisque les cris d’alarme qui remontent des écoles primaires fait présager du pire.
Il ne s’agit pas de simples infractions aux bonnes mœurs, mais de pratiques barbares solidement ancrées dans les petits esprits, des conceptions archaïques des relations intimes abreuvées par une pornographie délirante. Que celui qui n’a jamais surpris son petit « ange » scotché à des images de sexualité débridée sur un écran lève la main !
Bien sûr, les écoliers dès le CP se sont vu confier des ordinateurs ou des smartphones pour suivre leurs devoirs ou échanger avec leurs maîtres et on ne peut que le déplorer. Pour avoir la paix, les parents ont souvent recours aux écrans. Résultat, une fois à la maison, ces enfants sont voués au risque d’images sexuelles violentes, parfois sans surveillance. Les instituteurs que nous avons interrogés s’accordent à dire qu’ils passent le plus clair de leur temps à punir des comportements inappropriés avec parfois passage à l’acte chez des enfants en bas âge, ou bien tout simplement chez des enfants qui veulent mimer ou reproduire des scènes intimes sans trop savoir si c’est bien ou mal. Des filles et des garçons à peine sortis de l’enfance qui font désormais leur éducation sexuelle sur YouPorn.
Et si chez les classes supérieures, il est toujours possible de se payer un logiciel de contrôle parental pour bloquer l’ado qui a consulté́ des sites pornos sur la tablette du papa, cette « effraction de la psychè́ » n’a aucun filtre chez les enfants de l’école publique, voués à eux-mêmes, surtout quand l’accès au smartphone est devenu aujourd’hui de plus en plus précoce.
On pourra toujours jeter la pierre à une « Société́ hypersexualisée » où la banalisation du nu, les vidéos des influenceurs à l’adolescence, la culture du porno qui imprègne la publicité́ et à laquelle ont accès des mômes dès le plus jeune âge ; mais sauver les générations en devenir des méfaits du porno est devenu un enjeu d’éducation prioritaire.
Dans le domaine du sexe comme dans les autres, les mots enrobent désormais le monde dans du papier cellophane, à consommer dans les jours qui viennent sous peine de péremption. Plus on s’éloigne de la tradition, des règles qui faisaient que les rapports sexuels étaient non seulement codifiés mais même les transgressions étaient permises, à condition de ne pas le crier sur les toits « si vous êtes accro au pêché, vivez vos fantasmes dans la discrétion », disait l’adage, et plus on s’enfonce dans des pratiques qui mettent en triomphe l’individualisme, le consumérisme et l’hédonisme, plus le risque de voir les enfants suivre la même voie est grand.
Les experts ont le don d’identifier la modification des mœurs mais ils sont incapables d’anticiper les catastrophes sociales qui vont avec. Une fois les claques, les fessées, les humiliations, les violences éducatives ordinaires et le chantage affectif, toutes ces méthodes coercitives remisées au placard des vieilleries, que reste-t-il aux parents dépassés par ces enfants « qui miment des actes sexuels avec la petite sœur, ces mômes qui font rougir de honte leurs institutrice pour cause d’insultes à caractère sexuel ?
Les parents sont désemparés et on les comprend, face à une société virtuelle constamment branchée sur les valeurs de plus en plus permissives de l’occident, le Marocain ne sait plus comment se conduire concrètement, pragmatiquement, comment faire le bon choix quand un désir se présente à lui, tape fermement à sa porte ? Si lui-même en tant qu’adulte ne sait plus « tâcher toujours plutôt à me vaincre que la fortune, et à changer mes désirs plutôt que l’ordre du monde » comme le pensaient les stoïciens, comment demander à des enfants de mettre de l’ordre dans le déchaînement de leurs pulsions ?
Il reste à leur expliquer tout simplement qu’il y a un temps pour tout, y compris pour celui d’accomplir nos désirs, même les plus intimes, pour éviter de devenir les esclaves du sexe et d’abandonner ce qui fonde toute dignité́ humaine, le respect de son corps et celui de l’autre. Pouvoirs publics, Éducation nationale, parents, réseaux sociaux doivent prendre (leurs) responsabilités. En tout cas, il y a matière à redresser la barre en urgence car le sexe est devenu aujourd’hui une arme de destruction massive.
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