Un conseiller municipal en colère contre Bernard de la Villardière

 Un conseiller municipal en colère contre Bernard de la Villardière

Gilles Boitte


 


Gilles Boitte est conseiller municipal Front de gauche à Sevran. Il a accepté de participer au reportage « Dossier Tabou » sur l’islam, concocté et présenté par Bernard de la Villardière, pourtant connu pour ses émissions racoleuses. « Dossier Tabou » a été diffusé en deuxième partie de soirée ce mercredi 28 septembre. Un reportage qui a beaucoup fait réagir sur les réseaux sociaux : les internautes ont reproché à cette émission d’attiser la haine contre les musulmans. Gilles Boitte est lui aussi très remonté après la diffusion de cette émission.


 


LCDL : Vous semblez en colère après la diffusion du reportage Dossier Tabou ?


Ce reportage caricature les citoyens français de culture ou de confession musulmane. Il renforce l’anxiété et les phobies qui minent notre société sur un sujet qui nécessite la réflexion. Par sa forme et par son fond,il fait le jeu du racisme et de l’extrême droite que je m’efforce de combattre depuis des années.


 


 


Gilles Boitte  : Pourtant, M6 et Bernard de la Villardière qui font une émission spéciale Islam, on sait à quoi s’attendre…


Aussi incroyable que cela puisse paraître, je ne regarde jamais la télévision ! Le nom de Villardière ne me disait pas grand chose. Le projet qui m'a été présenté consistait à mettre en évidence la diversité des Français de culture arabo-musulmane, ce qui me convenait. Mais, au final, l'émission porte sur le "salafisme" en France (un sujet que je suis bien incapable de traiter !) et non "les musulmans en France" comme annoncé lorsque j'ai été contacté. Je n'utilise jamais l'expression "les musulmans"; c'est une façon de faire croire qu'il y aurait une seule façon de penser chez les Français de confession musulmane et c'est faux. Il y a des hommes et des femmes, des jeunes et des vieux qui croient en Allah, qui sont des pères et des mères de famille, des salariés ou des chômeurs, des retraités, des lycéens, des étudiants, des enfants… qui sont tous différents. J'avais insisté là-dessus, il n'en reste absolument rien.


 


Vous avez aussi accepté de répondre pour d'autres raisons…


Oui. Comme Sevran a été particulièrement touchée par l'enrôlement djihadiste (10 jeunes sont morts en Syrie ou en Irak), qu'il y ait des questions autour de ce drame ne me choquait pas. Mes propos consistaient à montrer qu'il s'agissait d'une infime minorité même si elle est dangereuse sur le fond et qu'elle s'emploie à terroriser la population dans les quartiers populaires. Je connais des centaines de sevranais de culture musulmane et seulement quelques intégristes. J'ai même raconté que l'un des animateurs d'une petite mosquée de quartier m'avait appris des choses sur l'esprit républicain ! Ce qui m'avait aussi rassuré, c'est que d'autres Sevranais étaient interviewés avant moi. Notamment, un jeune très sympa, Kalilou Sylla, qui a été candidat socialiste aux municipales et qui est actuellement à l'école des imams de Rabat. J'étais assuré que mon discours ne serait pas isolé. Ma colère est née de constater qu'aucun des autres Sevranais interviewés, qui présentaient une vision équilibrée de Sevran, n'apparaissaient dans le reportage.


 


Vous dites aussi que vos propos ont été déformés au montage…


De ma longue interview, ils ont extrait quelques phrases pour que mon propos « colle » au commentaire de M. de la Villardière. L’exemple le plus flagrant est qu’au montage, ils ont fini par inverser le sens de ma réponse concernant le directeur de l’école confessionnelle : la moitié de ma réponse a été coupée pour pouvoir en conclure que son comportement (NDLR : Le directeur ne sert pas la main aux femmes) était incompatible avec la République quand je ramenais son geste à une tradition.


 


Quel message vouliez-vous faire passer ?


Mon intention était autre : en France, que ça plaise ou non, ouvrir une école privée (confessionnelle ou pas) est un droit. Je connais même un paquet d'enseignants "laïcs" qui ont envoyé leurs gamins chez les cathos ! Ce que j'ai voulu mettre en évidence, c'est que les contrôles de sécurité ou pédagogiques qui doivent avoir lieu n'ont toujours pas été faits à Sevran. Je ne suis pas un naïf : si (et personne ne le souhaite) il y a un accident grave dans cette école, c'est vers les élus locaux que se tournera la colère des habitants, et ils auront un peu raison. C'est notre devoir de tout faire pour que les enfants y soient accueillis dans de bonnes conditions. J’ai bien retenu ma leçon. A l’avenir, je n’accepterai plus de répondre à ce genre de sollicitations.


 


Propos recueillis par Nadir Dendoune