Sauvetage en Méditerranée : décret italien, le cadeau empoisonné
Une amélioration peut cacher de plus grands désagréments. Comme le craignaient les ONG pratiquant le sauvetage en Méditerranée, le décret italien entrave leurs opérations.
Un pas en avant, deux pas en arrière. Mercredi (25 janvier), l’Ocean Viking, navire affrété par l’ONG SOS Méditerranée, a secouru 95 personnes dans les eaux internationales au large de la Libye.
Hier (26 janvier), via Twitter, le navire indiquait que les autorités italiennes leur avaient désigné un lieu de débarquement sûr. Le problème c’est que ce port se situe à Carrara, au nord de l’Italie. « C’est à 1500 km de la zone d’opération, ce qui implique une navigation de 3 jours », se désolait l’ONG sur le réseau social.
Depuis le nouveau décret-loi signé par le président italien, les navires de recherche et sauvetage (SAR) n’attendent plus plusieurs semaines avant de se voir attribuer un lieu sûr de débarquement. Mais à quel prix…
Cadeau empoisonné
Avec le nouveau décret, les autorités italiennes se conforment bien au droit maritime international. Ainsi les navires SAR se voient rapidement attribuer un port de débarquement. Sauf que, revers de la médaille, les navires de secours civiles devront désormais se rendre en Italie, dans un port de débarquement sûr, après chaque sauvetage.
Un changement très problématique selon Sophie Beau, co-fondatrice et directrice de SOS Méditerranée : « En 2022, l’Ocean Viking a effectué en moyenne cinq à six opérations de sauvetage par mission, secourant près de 300 personnes à chaque fois. Lors des deux dernières missions, où les autorités italiennes ont instruit immédiatement l’Ocean Viking d’aller débarquer les personnes secourues dès le premier sauvetage, SOS Méditerranée n’a effectué qu’un seul sauvetage par mission, avec une moyenne de 75 personnes à bord ».
Entrave
Ce qui n’était qu’une crainte début janvier, est devenu une réalité avec laquelle les ONG vont devoir composer. Mais la double contrainte, du débarquement après chaque sauvetage lié à l’éloignement du lieu de ce débarquement, constitue bien, dans la pratique, une entrave délibérée à l’action des navires de secours civils. « Ces deux facteurs ont pour but de maintenir les navires SAR hors de la zone de sauvetage pendant des périodes prolongées et de réduire leur capacité à secourir les personnes en détresse ».