Samir Abdelkrim : « Les femmes, nouveau moteur du digital au Maghreb »

 Samir Abdelkrim : « Les femmes, nouveau moteur du digital au Maghreb »

Samir Abdelkrim (DR)

Après une carrière d’entrepreneur, de journaliste high tech spécialisé sur l’Afrique et auteur de « Startup Lions, Au coeur de l’African Tech », Samir Abdelkrim a fondé Emerging Valley en 2017 à Aix-Marseille, ce nouveau hub des innovations émergentes entre l’Europe et l’Afrique. Nous revenons avec lui après un « bootcamp des deux rives » d’Emerging Mediterranean à Casablanca, particulièrement réussi tant au niveau des participants que du niveau des formations. Le jury retient 10 start-ups des pays du Maghreb : Envast et AI Diagnosis Vision (Tunisie), Beright et Neolli (Maroc), Dawrrat.com et Wadefa (Libye), Shédio et Mehan Houra (Algérie), Doctorim et Neotic (Mauritanie).

 

L'équipe d'Emerging Mediterranean au Bootcamp des deux rives à Casablanca
L’équipe d’Emerging Mediterranean au Bootcamp des deux rives à Casablanca (DR)

Le Courrier de l’Atlas : Comment s’est déroulé l’édition d’Emerging Mediterranean 2021 et du bootcamp des deux rives à Casablanca ?

Samir Abdelkrim : Emerging Mediterranean est le fruit d’un travail commencé en 2019 et sélectionné par le 5+5 pour travailler sur l’axe start up et innovation. Après l’édition 2020, on a franchi un vrai cap en 2021. Le Covid-19 perturbe les écosystèmes et cela aurait pu être le cas pour les start up maghrébines. Et pourtant, après un appel à candidatures lancé en novembre 2020, c’est plus de 300 candidatures qui répondent présent. C’est une augmentation de 34% par rapport à 2020.

Emerging Mediterranean 2021
source Emerging Mediterranean 2021

Parmi les candidatures, on a pu observer 31% de projets déposés par des femmes. Nous avions des chiffres similaires en 2020. L’entrepreneuriat féminin devient le nouveau moteur de la révolution entrepreneuriale au Maghreb.

Après la Tunisie, la bonne surprise vient de Mauritanie avec 24% de candidatures. Ils ont multiplié par deux le nombre de projets, ce qui montre que l’écosystème mauritanien est vraiment en train d’accélérer. De plus, malgré les difficultés liées à la situation du pays, on peut noter les 13% de candidatures de la Libye.

Presque un tiers, une centaine de projets, traitait de l’économie sociale et solidaire. On observe un effet covid avec 65 projets sur l’e-santé, qui arrive second. Les autres thématiques abordées sont le climat, l’agritech et la mobilité. Les prochains « terrains de chasse » des investisseurs de start-up seront au Maghreb.

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LCDA : Comment se porte l’écosystème digital en Afrique ?

Samir Abdelkrim : L’Egypte fait partie des pays qui se développent à grands pas dans le domaine digital, tout comme le Nigeria. En termes de comparaison, l’écosystème africain est différente des autres régions du monde. La particularité africaine est qu’ils ont créé eux-mêmes leurs propres écosystèmes.

Que ce soit en Europe ou dans la Silicon Valley, c’est toujours la puissance publique qui agit en premier comme en France avec la Bpi, Oséo, French Tech, les incubateurs publics ou les universités. Sur le continent, les écosystèmes sont nés de manière organique. Les entrepreneurs ont créé leurs propres hubs.

Dorénavant, on constate un deuxième mouvement. Les Etats et puissances publiques commencent à soutenir l’entrepreneuriat, par exemple au Sénégal, au Rwanda et en Côte d’Ivoire. Dans le Maghreb, la Tunisie est véritablement le pays précurseur à l’échelle du continent, avec une co-construction entre l’Etat, les opérateurs privés, les incubateurs et le parlement.

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LCDA : Que manque-t-il aux start uppers méditerranéens ?

Samir Abdelkrim : Les besoins sont financiers mais aussi d’assistance et de renforcement des capacités. De plus en plus de sociétés sont plus matures et ont besoin d’une autre forme d’accompagnement. Les investisseurs les aident dorénavant pour leur passage à l’échelle. Il vaut avoir une vision panafricaine et dépasser le cadre local.

Autre constat : la covid-19 montre la grande résilience des startups africaines. Les Etats-Unis ou l’Europe ont senti passer la pandémie. Les entreprises d’Afrique ne brulent pas du cash facilement et peuvent ainsi s’en sortir.

En plein Covid, on observe 44 levées de fonds supplémentaires pour l’Afrique. En totalité, ce sont 359 entreprises qui ont levé des fonds pour un total de 1,4 milliard de dollars. Cela concernait pas mal de sociétés en early stage.

Le « ticket » d’investissement dans les startups au Maroc a augmenté de 57% en 2020. L’entreprise marocaine, Chari, vient d’intégrer le Y-combinator, un incubateur hyper sélectif basé à San Francisco (1% des start ups qui y postulent sont acceptés, ndlr). Le Maghreb vise dorénavant bien au-delà de ses frontières.

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L'équipe qui a animé le bootcamp des deux rives à Casablanca
L’équipe qui a animé le Bootcamp des deux rives à Casablanca (DR)

LCDA :  Le « Bootcamp des deux rives » s’est tenu cette année à Casablanca. Comment cela s’est il passé ?

Samir Abdelkrim : On constate une intensité réelle dans ce bootcamp. On a présélectionné une trentaine de startups. Cela a été très positif dans le retour. Notre jury base son choix sur des indicateurs de croissance, le modèle économique, la relation client, la digitalisation des outils.

Le jury était composé d’un beau panel d’experts et de spécialistes du domaine dans les pays du Maghreb. 10 d’entre eux ont émergé. L’année dernière, nous avions 3 femmes sur les 10 finalistes. Cette année, nous avons 8 femmes ! Une preuve encore de leur rôle moteur dans le digital et l’entrepreneuriat.