Sahara. Hassan II construisait des murs, Mohammed VI bâtit des ports

 Sahara. Hassan II construisait des murs, Mohammed VI bâtit des ports

Maquette du projet du Port Dakhla Atlantique.

Staffan de Mistura qui vient d’être nommé envoyé personnel pour le Sahara serait-il l’homme des missions impossibles ? Ce diplomate chevronné, qui débarque avec la mission de parvenir à une solution politique conforme aux résolutions du Conseil de sécurité de l’ONU a passé quarante ans de sa carrière à tenter d’éteindre des conflits majeurs du Soudan, à la Somalie, en passant par l’Afghanistan…), avant de rendre le tablier face à un diable de la guerre en Syrie, beaucoup plus fort que tous les médiateurs du monde.

 

Comme l’ont fait d’ailleurs ses deux prestigieux prédécesseurs, Kofi Annan qui n’avait pas tenu plus de cinq mois et Lakhdar Brahimi, mandaté à l’époque par Ban Ki-moon pour trouver une issue à la tragédie syrienne.

En quoi la mission de Mistura est quasiment impossible ?

Parce que le statut quo qui est pratiquement insupportable pour les populations des camps de Tindouf au point que ceux qui veulent partir sont torturés avant d’être exécutés, reste une carte maîtresse entre les mains des généraux algériens, qui veulent continuer à disposer d’un instrument de chantage vis-à-vis du voisin marocain; mais également de la France qui surveille d’un œil inquiet les escarmouches entre les deux pays, liés à la métropole par divers intérêts.

Trouver une solution au dossier du Sahara priverait l’Algérie d’un épouvantail qui sert aussi à nourrir une propagande à usage d’abord interne, une sérénade sur « le soutien aux causes des peuples colonisés » puisque les décideurs au palais d’El Mouradia n’hésitent pas à mettre dans le même sac, la question du Sahara et la cause Palestinienne !

Et puis comment expliquer aux Algériens la perte des 375 milliards de dollars déboursés pour soutenir les séparatistes comme le détaillait l’hebdomadaire algérien Al Watan dans une récente édition ?

Mais le mur le plus infranchissable n’est certainement pas celui que Hassan II a érigé pour sécuriser le Sahara mais il s’agit plutôt de la volonté farouche des Sahraouis de l’intérieur, eux-mêmes, de ne plus regarder en arrière. Des populations qui assistent depuis des décennies au boom économique de leur région avec des investissements en milliards de dollars dans des projets de santé, d’éducation, d’eau potable, de réseaux télécoms, d’aéroports et de ports.

Quand Hassan II construisait des murs de défense, Mohamed VI va entreprendre de bâtir des ports, question de style. Ce n’est pas pour rien que le futur port de Dakhla, a été dès le lancement des travaux, le théâtre d’une bagarre intense au sommet du régime algérien.

Et pour cause, selon les spécialistes du secteur, au regard des défis du futur, ce port concentrera à lui seul, les critères qui dicteront, à n’en pas douter à l’avenir la force de frappe économique d’un pays : le tirant d’eau, la superficie disponible pour charger, décharger et stocker des volumes de plus en plus gros et la taille du marché régional que le pays-relais est susceptible de toucher. Si on ajoute à cela la stabilité politique dont jouit le royaume, la boucle est bouclée.

Mohammed VI qui a misé sur l’essor économique de la région a fait perdre à ses ennemis le privilège de s’inscrire encore sur leur terrain d’affrontement historique, où seules les armes avaient droit de cité.

Profitant, pour ne pas dire profiteurs, d’une union remarquable entre le dynamisme du capitalisme (le nombre de milliardaires sahraouis en est la preuve vivante) et la générosité offerte par l’Etat providence, les autochtones s’interdisent désormais de regarder vers l’est.

Cette « maximisation » des chances, qui a permis de mettre Sahraouis et populations de l’intérieur sur un même pied d’égalité, a de surcroit sacralisé le principe de « l’agir ensemble » par la lutte contre les inégalités géographiques, grâce notamment à une subtile théorie du ruissellement dont seul le roi a le secret.