Riadh Ben Fadhel, figure de la gauche tunisienne, écope de 4 ans et demi de prison
La chambre correctionnelle spécialisée dans les affaires de corruption financière du tribunal de première instance de Tunis a condamné Riadh Ben Fadhel le 30 mai 2024 à quatre ans et six mois de prison, assortis d’une amende considérable s’élevant à deux millions de dinars (environ 600 mille euros). Pour sa famille politique d’opposition, « le verdict cache en réalité un ciblage supplémentaire d’une éminente voix dissonante dans le pays ».
Selon Mohamed Zeytouna, porte-parole du tribunal, Riadh Ben Fadhl, en détention depuis fin 2023, a été jugé pour divers crimes financiers, dont l’exportation illégale de biens ainsi que la non-déclaration de revenus issus de ces exportations. Zeytouna précise que Ben Fadhl est par ailleurs impliqué et inculpé dans d’autres affaires relatives à la vente de biens mal acquis de l’ancien régime confisqués mais aussi des soupçons de blanchiment d’argent et l’ouverture de comptes bancaires à l’étranger en violation des procédures légales. Une série de dossiers qui laissent augurer de la poursuite de ce feuilleton judiciaire complexe.
Coordinateur général du parti de gauche moderniste Al Qotb (le Pôle), Riad Ben Fadhel avait pour rappel été arrêté dès le 14 novembre 2023, à l’aéroport Tunis-Carthage, alors qu’il rentrait de voyage. Un mandat de dépôt a alors été émis à son encontre dix jours plus tard, dans le sillage d’un coup de filet contre d’autres figures de l’opposition.
L’homme présente pour particularité d’être une personnalité de la gauche radicale tunisienne mais également patron de l’une des entreprises leader dans le marché de la publicité en Tunisie, consacré personnalité de l’année du secteur de la communication en 2022. Il était poursuivi depuis plusieurs années dans une affaire relative à l’acquisition, suite à la révolution de 2011, de véhicules de luxe de la famille de l’ancien président de la République Zine El Abidine Ben Ali. Une lubie qui lui avait coûté d’être plusieurs fois interrogé par la justice d’après son entourage, mais jamais arrêté.
En ligne de mire d’un ancien ministre
En novembre 2023, Mohamed Ali Ghrib, avocat de Ben Fadhel avait apporté quelques éclairages sur l’arrestation de son client, expliquant qu’il avait été auditionné au sujet d’une affaire déjà investiguée des années plus tôt par brigade de lutte contre les crimes économiques d’Al Gorjéni.
A l’issue de son interrogatoire sur demande de la Garde nationale, le parquet avait alors décidé de le placer en garde à vue. « Une décision erronée et incompréhensible » pour Maître Ghrib dans la mesure où son client était capable de présenter l’ensemble des éléments pour appuyer sa déposition. « Les questions qui lui ont été posées étaient d’ordre financier et sa garde à vue a été décidée conformément aux dispositions de la loi contre le blanchiment d’argent », selon Me Ghrib.
Dans le collimateur de l’ancien ministre des Domaines de l’État, Hatem El Euchi, aujourd’hui pro-pouvoir, Riad Ben Fadhel est dixit le ministre « le chef d’un parti populairement faible mais a pu acquérir sept des voitures les plus puissantes appartenant à la famille Ben Ali pour un montant dérisoire fixé par un expert en 2012, après que les véhicules en question ont été mutilés à l’époque par des émeutiers ».
Or, selon Hatem El Euchi, l’acquéreur, en l’occurrence Riad Ben Fadhel, avait pu acheter le lot pour la modique somme de 135.000 dinars, alors qu’il valait plus de 1,5 million dinars. « L’acquéreur a le droit de tirer des bénéfices, mais pas dans un contexte de collusion ou d’abus de pouvoir », ajoute-t-il commentant l’arrestation.
Au lendemain de l’arrestation de Riad Ben Fadhel, son parti Al Qotb avait publié un communiqué condamnant « les pratiques rappelant la dictature de l’ancien régime ». Il a affirmé sa « solidarité absolue » avec son coordinateur général et a appelé tous les partis et organisations à faire face à « la répression et à persécution des opposants afin de les faire taire et les terroriser ».
Depuis le « coup de force » du 25 juillet 2021, une quarantaine de personnalités politiques sont incarcérées en prison, en fuite, ou en cours de procédure.
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