Révisez les figures de style littéraires sur Instagram avec Fatima Aït-Bounoua

 Révisez les figures de style littéraires sur Instagram avec Fatima Aït-Bounoua

Fatima Aït-Bounoua sur Instagram

Fatima Aït-Bounoua est professeur de lettres dans un collège de Seine-Saint-Denis. Certains la connaissent pour avoir été pendant cinq longues années une des voix singulières de l’émission « Les Grandes Gueules », diffusée chaque matin sur RMC. 

Il y a un an, Fatima Aït-Bounoua lance sur Instagram « Révisons Ensemble ». Chaque jour, elle poste une vidéo d’une minute (également disponible sur Tik Tok) où elle vulgarise une figure de style littéraire. Un concept qui plait de plus en plus. Rencontre.

LCDL : Pourquoi avoir lancé ce concept sur Instagram ?

Fatima Aït-Bounoua : Quand j’ai vu mes élèves dérouler d’une façon frénétique des contenus sur les réseaux sociaux, passant d’une vidéo à une autre en une fraction de seconde,  je me suis dit que si je pouvais glisser entre les deux un contenu un peu fun de vulgarisation d’analyse littéraire, ils pourraient aussi apprendre en s’amusant…

Et puis, la littérature est mon chez moi et en postant ces vidéos sur Instragram,  c’est comme si j’ouvrais la porte à d’autres colocataires.

Comment choisissez-vous les figures de styles à analyser ? 

Ce sont toujours des contenus que j’ai vu passer quelque part. Cela peut-être à la télé, dans une série, ou dans un film, voire un dessin animé, comme Les Simpsons qui sont une source inépuisable.

Après, je vois si mon explication peut faire moins d’une minute. Sur les réseaux sociaux, si vous voulez capter l’attention des autres, il faut faire des vidéos courtes et concises.

Avez-vous des retours de vos élèves ou d’anciens élèves ?

Bizarrement, très peu. Ce sont plutôt des adultes qui me suivent aujourd’hui. J’aime bien ce public. Ils sont très demandeurs. Ils me remercient souvent pour le travail de vulgarisation que je propose et avouent regretter de ne pas avoir appris de cette façon-là.

Comment l’expliquez-vous ? 

Je crois qu’on ne se rend pas compte, mais il y a beaucoup de personnes qui se pensent peu intelligentes. Cela crée en elles une mauvaise estime d’elles-mêmes. Le but avec ces vidéos, c’est donc de réconcilier avec la langue française celles et ceux qui ont été traumatisés par l’école. Réparer en quelque sorte l’humiliation subie.

Parce qu’en vérité  tout le monde est capable de comprendre les figures de style et les procédés rhétoriques. Pour moi, ces vidéos sont comme un pont entre une certaine culture « dominante » et celles et ceux qui pensent qu’ils n’en ont pas accès. Je simplifie sans être simpliste.

Figures de style, procédés rhétoriques, rien que ces mots peuvent effrayer certains…

Exactement. Ce sont des notions qui semblent compliquées sur le papier mais qui ne le sont pas. Et surtout, tout le monde dans sa vie de tous les jours utilise des figures de style…

C’est-à-dire ? 

Par exemple, quand on dit  « quelle idiote », « suis-je bête », etc., lorsqu’on s’auto-dénigre pour de faux, cela s’appelle un chleuasme. Énormément de gens le font sans savoir qu’ils utilisent ici une figure de style.

Autre exemple : tout le monde utilise l’antonomase, quand un nom propre devient un nom commun. Dom Juan, Harpagon, Tartuffe, tous ces noms de personnages sont devenus des noms communs et sont utilisés par le plus grand nombre sans savoir qu’il s’agit d’antonomase. Pour Dom Juan, tout le monde sait que c’est lié à la séduction,  Harpagon à la radinerie et Tartuffe à l’hypocrisie.

A quoi ça sert dans la vie de maîtriser toutes ces figures de style et autres procédés rhétoriques ? 

Cela sert avant tout à mieux se comprendre.  Quand on n’est pas clair à l’écrit ou à l’oral, cela peut créer des malentendus. Quand les gens prêtent plus d’attention aux mots, cela leur permet de mieux les peser. On peut aussi prendre beaucoup de plaisir à chercher le mot juste.

Avec les politiques qui maîtrisent parfaitement la rhétorique, avoir conscience des figures de styles que ces derniers utilisent, permet d’être en position « plus active » face à leurs procédés. De se faire « moins berner » par leurs discours. Quand on a compris la signification d’un mot, on le « voit » mieux quand on le retrouve dans une phrase.

Un exemple : l’anaphore, c’est la répétition d’un même mot au début d’une phrase. Certains utilisent ce procédé pour donner du souffle à leur discours. On se souvient du “Moi, président…” du candidat Hollande durant l’entre-deux tours face à Sarkozy en 2012. Parfois, on utilise l’anaphore de manière involontaire quand on est submergé par l’émotion, comme quand on vient de perdre un proche par exemple. On va alors répéter le même mot, pour certains, « être en boucle » permet de mieux digérer le deuil.

Quand on a conscience de toutes ces figures de style, on a une meilleure écoute de l’autre. Parce que les mots sont au centre des constructions de l’identité et du rapport à l’autre.