Répression en Tunisie : premières réactions à l’international
De nouvelles arrestations d’avocats ont eu lieu dans la nuit de lundi à mardi, dont l’une particulièrement brutale est survenue à nouveau dans la Maison de l’avocat, une institution autrefois considérée comme un refuge, saccagée hier soir par le passage éclair d’une vingtaine de policiers en civil. Face à cette seconde vague ultra répressive après celle de samedi, les premières réactions de l’UE et de la France notamment viennent de tomber.
Comparution de Sonia Dahmani, conduite lundi devant le juge d’instruction au milieu d’une foule compacte d’avocats et de sécuritaires
A Bruxelles, l’Union européenne a fait part mardi 14 mai de son « inquiétude » à propos des récentes arrestations de plusieurs figures de la société civile en Tunisie, rappelant à cet égard que la liberté d’expression et l’indépendance de la justice constituaient « le socle » de son partenariat avec Tunis. « Des éclaircissements sur les raisons de ces arrestations ont été demandés localement par la délégation de l’UE aux autorités tunisiennes », a en outre déclaré une porte-parole de la diplomatie européenne, Nabila Massrali.
Alors que deux célèbres chroniqueurs de radio et de télévision en Tunisie ont été placés en détention dimanche pour des critiques sur la situation du pays, au lendemain de l’interpellation musclée d’une avocate et commentatrice pour des motifs similaires, deux autres arrestations supplémentaires employant les mêmes méthodes se sont déroulées lundi soir.
Ainsi les forces de l’ordre ont une fois de plus pris d’assaut les locaux de l’Ordre des avocats pour arrêter l’avocat Mehdi Zagrouba. Le même jour une vidéo avait circulé sur les réseaux sociaux montrant l’agression de deux agents sécuritaires de la direction de la police judiciaire au Tribunal de Tunis, « des indic’ » pour l’auteur de l’agression qui ne serait pas Mehdi Zagrouba selon ses confrères. « Une barbouzerie » pour l’opposition tunisienne qui dénonce un signal d’intimidation et de provocation adressé à l’ensemble des voix dissonantes.
La France se dit « préoccupée »
La France a par ailleurs exprimé mardi « sa préoccupation à la suite de l’arrestation de l’avocate et journaliste Sonia Dahmani », accusée d’avoir diffusé de « fausses informations dans le but de porter atteinte à la sûreté publique ».
Une arrestation qui intervient « dans le contexte d’autres interpellations, notamment de journalistes et membres d’associations », a précisé Christophe Lemoine, porte-parole adjoint du ministère français des Affaires étrangères.
« La liberté d’expression et la liberté d’association, comme l’indépendance de la justice et les droits de la défense, sont des principes garantis par la Constitution tunisienne ainsi que par les conventions des Nations unies auxquelles la Tunisie comme la France ont souscrit », a souligné le porte-parole du Quai d’Orsay.
Selon le Syndicat national des journalistes (SNJT), en un an et demi, plus de 60 personnes parmi lesquelles des journalistes, des avocats et des opposants au président ont fait l’objet de poursuites sur la base du décret 54 promulgué en septembre 2022.
Le texte punit de jusqu’à cinq ans de prison quiconque utilise les réseaux d’information et de communication pour « rédiger, produire, diffuser (ou) répandre de fausses nouvelles (…) dans le but de porter atteinte aux droits d’autrui ou de porter préjudice à la sécurité publique ».
La semaine dernière, lors d’une émission de télévision, Sonia Dahmani avait lancé d’une façon ironique « de quel pays extraordinaire parle-t-on ? », en réponse à un autre chroniqueur qui venait d’affirmer que les migrants venus de plusieurs pays d’Afrique subsaharienne cherchaient à s’installer en Tunisie. Une déclaration jugée par certains utilisateurs sur les réseaux sociaux comme « dégradante » pour l’image du pays.
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