Rentrée. Les rendez-vous ratés du PJD

 Rentrée. Les rendez-vous ratés du PJD

Saad Dine El Otmani, chef du gouvernement marocain

« Le but de l’humanité, c’est de produire de grands hommes » pensait Ernest Renan. Cette pensée me vient à l’esprit en pensant à la rentrée. Une rentrée terrible par l’ampleur de la crise, terrible par l’ampleur des attentes et terriblement angoissante par ses incertitudes. Cette situation inédite exige la présence effective de ces « grands hommes » capables de ne pas rougir du passé et de faire encore mieux dans l’avenir. Or que peut-on attendre d’une équipe au pouvoir en faillite ? Qu’y a-t-il à espérer d’un gouvernement aussi nul, de responsables sans colonne vertébrale dont le seul souci est de se maintenir au pouvoir coûte que coûte ? D’ores et déjà on peut le dire sans détour, les islamistes au pouvoir (ils ne sont pas les seuls d’ailleurs) ont failli.

Le bilan catastrophique est global, il est réel, il correspond à un ressenti au plus profond de chaque citoyen. Jamais gouvernement n’a aussi peu donné au peuple après avoir promis monts et merveilles.

Chômage endémique

Alors que les jeunes et les moins jeunes attendent impatiemment qu’on leur ouvre les portes de l’emploi, le gouvernement vient de fermer à double tour l’accès à un gagne-pain, et ce, au moment où seule la relance de l’activité pourrait atténuer la crise économique terrible qui s’annonce. Face à une situation aussi alarmante, en l’absence d’une véritable stratégie de guerre contre cette pandémie, et ses conséquences socio-économiques, le gouvernement vient tout simplement d’adopter une Loi de finances rectificative, complètement déconnectée du contexte global, privilégiant une approche à connotation comptable. Pour rappel, durant deux législatures , le PJD aux commandes a créé bien moins de postes d’emplois que ce gouvernement si décrié de Abbas El Fassi. Pire encore, au cours de ces législatures, le nombre d’entreprises à avoir mis la clé sous le paillasson a explosé et la cadence est aujourd’hui infernale avec la pandémie. Que fait le gouvernement ? N’en déplaise à Benchaaboune, le patron des finances qui raconte à qui veut bien l’entendre que les décisions prises le sont en fonction des besoins des entreprises, le moins qu’on puisse dire, c’est que de l’avis de la plupart des opérateurs économiques, l’entreprise nationale a été tout bonnement zappée par la LFR 2020. D’ailleurs, à ce propos, les PME dans leur très grande majorité surendettées, n’ont pas accès à l’octroi de crédits en raison notamment des conditions draconiennes imposées par les banques avec des accès au refinancement qui relèvent de l’impossible. Et ce ne sont pas les crédits Damane Oxygène et Damane Relance qui diraient le contraire.

Face à ces chiffres économiques décevants, le gouvernement a trouvé une solution : « cachez-moi ces vérités que je ne saurais voir ». En programmant notamment la mort du Haut-Commissariat au plan. L’institution indépendante qui produit des rapports sérieux, chiffrés et documentés, mais qui ne ménage guère les instances officielles est désormais menacée dans son existence même par Othmani et son équipe. En effet, le gouvernement de Saad Dine el-Otmani travaille sur la finalisation d’un projet de loi visant à transformer le Haut-Commissariat au plan (HCP), l’institution chargée des statistiques économiques, démographiques et sociales, en agence gouvernementale. Si ce projet funeste est mené à terme, il permettra au gouvernement de bâillonner cette institution en la plaçant sous la coupe d’un ministère. Ahmed Lahlimi, qui a régulièrement critiqué la politique économique du gouvernement, pointant notamment son orthodoxie budgétaire et son inefficacité échappera-t-il à la curée ?

 

Les municipalités

Les mairies tenues par les islamistes, ne parviennent pas encore, à trouver des solutions intelligentes aux soucis quotidiens des citoyens. « Nous sommes démocratiquement élus » tiennent à rappeler les maires barbus comme si la déroute de leurs municipalités, l’insalubrité de leurs villes, le délabrement des localités, les quartiers les plus sales du pays avaient à voir avec la démocratie si ce n’est que la levée de la tutelle de l’intérieur sur les élus a débouché sur une situation de blocage qui ne profite à personne si ce n’est aux intéressés eux-mêmes. Aux pratiques rendues célèbres par des ripoux comme Chabat qui consistent à choisir les prestataires de la commune selon l’épaisseur du pot-de-vin et non pas sur les qualités de ses prestations, dont les maires péjédistes usent également, à quelques exceptions près, il faut ajouter la capacité de blocage qui constitue l’arme de dissuasion massive de ces élus. À l’exemple de Kenitra où le conseil municipal est tenu d’une main de fer par les islamistes groupés autour de Abdelaziz Rabbah bloquant systématiquement les projets proposés par les autres formations politiques, quelle que soit leur pertinence. À Rabat, Mohamed Sadki, a deux passions : les voyages internationaux aux frais de la mairie et la guéguerre avec l’opposition qui n’hésite pas à tirer à boulets rouges sur les islamistes à cause de graves dépassements financiers, exigeant au passage l’intervention de l’inspection générale du ministère de l’Intérieur. Mais il y a plus grave, dans son bras de fer avec les autorités du Gharb, Abdessamad Sekkal le président de la région Rabat Salé a fait pire : on peut dire que ce responsable a plus d’un mort sur la conscience : Pour les citoyens qui prennent la route de Fès au sortir de Kénitra, il y a un tronçon situé entre Sidi Yahia et Sidi Slimane sur la route N4, qui est connu pour être le plus mortel du pays en raison du nombre élevé d’accidents. Or le budget qui devait être débloqué pour financer la continuation de la voie express de Sidi Yahia jusqu’à Sidi Kacem a été tout simplement bloqué par le président de la région. Parce que monsieur est en en froid avec les autorités locales de la province ! Ainsi la formation nécessaire à la gestion municipale ne semble pas forcément être le premier souci des islamistes. Bien au contraire, les candidats choisis par le parti répondent à une partisane et militante et non pas en fonction du profil exigé des candidats pour les tâches municipales.

 

La faillite de l’enseignement

Les réseaux sociaux n’ont pas attendu l’arrivée de ce pauvre Amzazi pour tourner en dérision des mesures plus absurdes les unes que les autres. Il nous fera gré de ne pas citer ces pitreries, mais le moins qu’on puisse dire, c’est que si on peut aujourd’hui qualifier de « déplorable » la situation du système éducatif, c’est en partie parce que le gouvernement Benkirane avait notamment intégré 30 000 enseignants dans le circuit de l’enseignement sans la moindre formation, dont certains avaient même échoué à l’examen de capacité ! Quant au passage de Lahcen Daoudi comme ministre de l’Enseignement supérieur et de la Recherche dans le gouvernement présidé par Abdelilah Benkirane, ce qu’on en retient, c’est que Daoudi a consacré sa législature à raconter des blagues à ses équipes et à préparer l’entrisme des Turcs dans l’enseignement privé. Des rendez-vous ratés ? Daoudi en a accumulé un bon paquet dont on citera un seul : la proposition déposée en mains propres en mars 2012 concernant la création d’une faculté des sciences de la mer clés en main au sein de l’Université Ibn Tofail de Kénitra. Le projet porté par la Fondation Sidi Mchiche Alami de Kénitra, complètement bétonné avait eu l’aval officiel de l’université de Cadix. Emballé par l’idée, le recteur de l’université Ibn Tofail avait reçu l’accord formel du président de l’université espagnole qui avait à ce propos expliqué dans une correspondance que « l’université était prête à apporter son aide et son expérience dans divers domaines des sciences de la mer à l’instar des accords passés avec de nombreuses universités dans le monde ». Daoudi qui avait tenu des propos rassurants aux intervenants s’est mis tout de suite aux abonnés absents. Résultat le projet qui avait mobilisé des années d’efforts entre les différents partenaires et qui devait permettre aux jeunes l’accès à des métiers d’avenir tels que consultant en environnement, Ingénieur Océanographe, Ingénieur Eco-conseiller, ou encore Chargé de mission Environnement a été tout bonnement enterré.

 

Notons à cet égard que le seul souci des islamistes au cours de leur passage à la tête de l’enseignement fut celui d’ouvrir toutes grandes les portes de l’enseignement aux frères turcs. Telles que les institutions les plus en vue qui entretiennent des affinités avec le PJD, comme le groupe scolaire « Mohammed Al Fatih », implanté dans le royaume depuis 1994 avec des écoles à Casablanca, à Tanger, Tétouan, Fès et El Jadida avant qu’elles connaissent la fameuse purge après le divorce de Erdogan avec Fathalleh Gulen.  Ce qui n’empêche toujours pas, le Centre Córdoba pour l’Éducation à l’étranger, dirigé par le fils même de Mohamed Hamdaoui, l’ex-patron du MUR, le bras idéologique du PJD de recruter à tour de bras les étudiants qui auront l’honneur d’aller étudier quasiment à l’œil à l’œil en Turquie. C’est d’ailleurs Lahcen Daoudi qui avait confié à ce centre l’honneur d’organiser, et, ce depuis 2015, le grand raout des universités turques au Maroc. Depuis, les rejetons de cadres du PJD dont Mohamed Aymen Choubani, le président de l’association des étudiants marocains en Turquie n’est tout autre que le fils du fameux Choubani, ex-ministre des Relations avec le parlement se relaient pour préparer l’entrisme ottoman au Maroc.

Les Affaires étrangères

On a longtemps cru que les affaires étrangères représentaient une ligne rouge pour les islamistes. Si on le croit toujours, c’est qu’on a alors oublié le passage calamiteux de Saaedinne Othmani à la tête de ce département. Aujourd’hui, a-t-on retenu la leçon ? Il semble bien que non puisque le travail d’entrisme au service des islamistes entrepris par le psy du parti va être tranquillement mené à terme par Nezha El Ouafi, Ministre déléguée auprès du Ministre des Affaires étrangères, de la Coopération Africaine et des Marocains Résidant à l’Étranger. Surtout quand on connaît le travail effectué par le PJD pour recruter dans les rangs des Marocains Résidant à l’Étranger. Le travail de cette dame est d’ailleurs soutenu à l’étranger par une kyrielle d’ONG salafistes. À l’exemple de l’association Moroccan-British Cultural Association (Jossour) pilotée par Adil Bengalha l’un des relais les plus actifs du parti de la lampe dans la capitale britannique. Jossour qui organise régulièrement des rencontres entre la communauté marocaine britannique et des représentants du parti a déjà reçu de grosses pointures comme Aziz Rabbah ou encore l’ex-Premier ministre Abdelilah Benkirane dont les conférences à l’étranger n’ont pas d’autre objectif que de se remettre en selle en prévision des élections de 2021.

Maintenant que le bilan catastrophique des islamistes ne fait plus de doute, l’expérience du PJD va-t-elle se dissoudre dans la rancœur et la colère du peuple ? Encore faudrait-il qu’il y ait une alternative forte en face, un sursaut national qui donne l’exemple et montre que l’avenir et la démocratie ne sont pas incompatibles malgré les lendemains incertains de la Covid 19. C’est Edmund Burke qui disait à juste titre que : « La conduite, c’est le seul langage qui trompe rarement ».