Minorité musulmane : le Washington Post compare la Chine à l’Allemagne nazie
Persécutions, musellement, enfermement en camp, destruction du patrimoine : « en Chine, c’est tous les jours la Nuit de cristal », titre le Washington Post cette semaine, en référence aux pogroms menés contre la population juive et ses biens du 9 au 10 novembre 1938, prémices de la Shoah.
En deux jours, à l’initiative des responsables du régime nazi, des centaines de synagogues ont été détruites ou endommagées, 7 500 commerces et entreprises exploités par des juifs saccagés ; une centaine de Juifs furent assassinés, des centaines d’autres se suicidèrent ou moururent des suites de leurs blessures, et près de 30 000 furent déportés en camp de concentration. Quelques années plus tard, l’antisémitisme du 3e Reich repoussera les limites de l’horreur dans les camps de la mort.
Pour le prestigieux journal américain, la politique menée par les autorités de Pékin à l’égard de la minorité musulmane de Chine est comparable à ce qui s’est passé en Allemagne il y a 81 ans. « Un génocide culturel sans précédent depuis la Seconde Guerre mondiale », estime Rahile Dawut dans un long article (en anglais). L’universitaire, spécialiste de la question ouïghoure, y expose de nombreux exemples montrant la volonté chinoise d’éradiquer méthodiquement la culture de cette population historique de l’ouest du pays.
« Au moins un million de musulmans ont été confinés dans des camps, où des imams vieillissants sont enchaînés et où les jeunes hommes sont obligés de renoncer à leur foi. Les musulmans qui ne sont pas enfermés sont forcés de manger pendant le mois de jeûne du ramadan, de boire et de fumer en violation de leur religion, empêchés de prier, d’étudier le coran ou de faire le pèlerinage à la Mecque », écrit la chercheuse. Une répression qui se déroule dans un silence assourdissant grâce aux moyens mis en œuvre par la Chine pour étouffer toute dissidence et grâce au mutisme, voire à la complicité de certains pays musulmans.
Selon Radio Free Asia, une des seules voix dissidentes en Chine, tous les prétextes sont bons pour envoyer des musulmans dans les camps de travail : refuser de boire de l’alcool, ne pas manger de porc ou dire « bismillah » peuvent rapidement conduire en prison.
De nombreux Ouïghours installés aux États-Unis ont ainsi confié de plus avoir de nouvelles de leurs proches restés au pays. Parmi eux, Bahram K. Sintash a fourni au Washington Post le fruit de ses recherches sur la destruction du patrimoine des Ouïghours faites à partir d’images satellites et d’entretiens avec d’autres exilés. Dans la Chine de Xi Jinping, tout ce qui paraît ostensiblement lié à l’islam semble voué à la destruction.
M. Sintash a estimé entre 10 000 et 15 000 le nombre de sites religieux détruits, lors d’une conférence tenue au National Endowment for Democracy fin octobre. Il a lui-même documenté la destruction de plus de 150 grandes mosquées grâce à des photographies avant-après : les mosquées sont détruites, les sanctuaires sont transformés en parkings, les dômes des magasins sont aplatis, les minarets sont abattus, etc. Le cimetière séculaire de Sultanim à Hotan, où sont enterrés son père et son grand-père, est ainsi tout simplement devenu un immense terrain vague.
Plus récemment, le Parti communiste chinois a franchi un pas supplémentaire dans la répression de la minorité musulmane. Le régime envoie ses cadres dans les foyers ouïghours, auprès des femmes dont les maris sont internés dans les camps pour « rééduquer » ces familles.
Pour beaucoup de ceux qui travaillent sur la question ouïghoure, l’holocauste des juifs par le régime nazi apparaît comme le seul élément de comparaison pour jauger la tragédie en cours.