Les morts s’entassent faute de place dans les carrés musulmans
En temps normal, la grande majorité des décédés au sein de la communauté musulmane est rapatriée vers le pays d’origine. Mais, avec la fermeture des frontières, il devient de plus en plus difficile d’enterrer un proche selon le rite musulman, faute de places dans les carrés confessionnels des cimetières français.
Selon le président du Conseil français du culte musulman (CFCM), Mohammed Moussaoui, « en temps normal, environ 80 % des défunts se font enterrer dans leur pays d’origine ». Résultat : Avec la crise du coronavirus, le manque de places dédiées au culte musulman dans les cimetières apparaît criant dans certaines régions. « Des défunts attendent à la morgue de Rungis depuis trois semaines, c’est terrible », ce qui provoque l’incompréhension des familles et un coût non négligeable sous forme de frais de garde.
Parmi les 35 000 cimetières français, seuls « environ 600 » ont des places dédiées au culte musulman, qui prévoit notamment que les morts soient enterrés dans un délai très court, en direction de La Mecque.
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En Ile-de-France ou dans les Hauts-de-France, de rares maires ont d’ores et déjà agrandi les carrés musulmans de leurs cimetières communaux. Mais, faute de solutions, familles et associations se tournent vers les autorités et saisissent la justice.
Lundi, le tribunal administratif a rejeté le recours de l’association Tahara, jugeant que le caractère d’urgence n’était pas rempli. Son avocat a saisi le Conseil d’État. « Le sous-entendu est d’alerter les autorités publiques, et notamment le ministère de l’Intérieur », dit Me Nabil Boudi, qui a été contacté par ce dernier.
Des cimetières débordés
À Gennevilliers (Hauts-de-Seine), le maire communiste Patrice Leclerc a lancé des travaux d’agrandissement du carré musulman de son cimetière. « À ce rythme, dans trois semaines, il sera complet ». « Toutes les communes devraient en avoir, j’ai écrit au préfet pour obliger les maires à instaurer des carrés musulmans », dit-il.
Pour une commune, avoir un carré confessionnel « n’est pas une obligation », rappelle l’Association des maires de France. Une circulaire de 2008 encourage toutefois les élus à le faire. À Arras (Pas-de-Calais), deux fidèles de la mosquée Annour, un Marocain et un Soudanais, sont morts fin mars du coronavirus et n’ont pas pu être enterrés dans le cimetière de la ville. Le maire d’Arras l’a depuis fait agrandir pour créer un nouveau carré musulman de 300 m2, sur des parcelles communales attenantes. « Ça allait de soi. Il faut respecter les codes de chacun pour enterrer les siens », a déclaré le maire Frédéric Leturque (Les Centristes).
Dans l’Oise, département qui fut l’un des premiers foyers de l’épidémie en France, « les rares cimetières dotés d’un carré musulman arrivent presque tous à saturation, malgré les efforts des maires », alerte Smaïl Merrakchi, président de la mosquée de Villers-Saint-Paul et coordinateur d’une commission visant à créer un cimetière dédié au niveau départemental. « Sur les 679 communes de l’Oise, seulement 11 ont un carré musulman », insiste-t-il.
« Dans certaines villes, la préfecture intervient pour demander aux maires de créer ces espaces », dit-il. La préfecture de l’Oise a en effet confirmé avoir « adressé un courrier aux maires du département pour leur rappeler les termes de la circulaire de 2008 ». Elle ajoute avoir été « sollicitée par plusieurs familles et représentants du culte musulman du département quant aux difficultés relatives à l’inhumation de leurs coreligionnaires. »
Au cœur d’une des régions les plus touchées par le virus, la mairie de Strasbourg affirme, elle, n’avoir été confrontée à aucune « tension » en matière d’inhumation. Depuis 2012, la capitale de l’Alsace dispose de l’unique « cimetière public musulman » du pays, une exception rendue possible par le droit local en vigueur en Alsace-Moselle, région où ne s’applique pas totalement la loi sur la laïcité de 1905 et où la subvention des cultes est autorisée.