« Randonnée PJJ » – Épisode 6
Nous avons décidé de rentrer à Paris un jour plus tôt. La décision a été prise collégialement. On était tous d’accord. Nous avions prévu de passer la dernière journée de notre voyage aux Alpes au Lac de Passy. En guise de récompense. Pour les remercier de tous les efforts fournis. C’est la moindre des choses. Mais.
Ce samedi matin, juste après le petit-déjeuner, Riyad a fauté. Encore une fois. La fois de trop. Riyad a nié. Une fois, deux fois, trois fois. A juré « Par Allah » qu’il n’avait rien fait. Accablé, il a avoué. Puis, il a pleuré. S’est excusé auprès de Sarah, une touriste américaine avec qui on avait pourtant passé la veille une magnifique soirée. Sarah était déçue du comportement de Riyad mais elle lui a pardonné.
Nous, on a pas voulu passer l’éponge. Pas cette fois-ci. Pas aussi vite. On pardonnera plus tard. Notre patience a une ligne d’arrivée. Et elle venait d’être franchie. On a appelé l’hôtel d’Annemasse pour annuler la réservation de ce soir. On a appelé les parents et les foyers pour les prévenir de notre retour anticipé. Tout le monde était déçu. Et nous les premiers.
Au refuge de Fioux où nous avons passé la nuit, il y avait, stoïques, Catherine, Serge et leur petite fille Manon, 15 ans, qui s’en va à la rentrée faire un sport études Rugby à Oyonnax, et qui nous adore tellement. Catherine a dit « J’ai pas aimé ce que Riyad a fait mais je suis pas rancunière et vous serez toujours les bienvenus ».
Serge a dit à Zouaoui : « Les autres n’ont rien fait, pourquoi les punir tous ? » Zouaoui a répondu que « parfois pour le bien être du groupe, il faut prendre des décisions qui semblent injustes ». Manon a regardé droit dans les yeux Fofana, et Abdel, et Adama, et Moussa. Mais pas Ryiad, puis elle est remontée dans sa chambre.
Riyad a voulu s’excuser auprès de Sébastien, le guide, mais il lui a tourné le dos. Fofana s’est approché de Catherine. Ah ces deux-là ! Une nouvelle fois, il a promis qu’il lui enverrait une carte postale de Paris. Nous, on disait pas grand chose à part les « Désolé de convenance ». On avait trop honte. On est remonté dans les chambres et on a préparé nos sacs à toute vitesse.
Comme on avait encore une randonnée à finir, on s’est élancé sur le chemin par groupes dispersés, suivant les affinités. Riyad marchait seul. Isolé. C’était calme partout, devant, derrière et au milieu. Il y avait malaise à chaque pas. On répondait aux bonjours qu’avec la tête. On s’arrêtait pas, de peur de devoir échanger pendant les pauses.
Puis, on est arrivé à Saint-Gervais où était garé le camion, en petite forme. Le physique, ça allait pourtant. Puis, on a repris la route pour Paris et on s’est arrêté à une station essence. On était à sec. Et ça a éclaté. Dans tous les sens. Ça criait, c’était désordonné. Heureusement, les vitres étaient fermées.
Les jeunes hommes de la PJJ, Fofana en tête, gueulaient à gorges déployées. Pas sur nous. Mais sur Riyad. Ils l’ont sermonné. Ils lui en voulaient à mort.
Moussa a dit : « On est grillé à cause de toi. On pourra plus revenir ». Adama : « T’as tout gâché. Tu penses qu’à toi ». Fofana : « Même nous, on a déconné au début du voyage mais on s’est amélioré. Pas toi. T’es resté au même niveau ».
C’était la première fois que le groupe se désolidarisait d’un des leurs. On disait rien. C’était leur affaire. Après, on est sorti du camion tous les trois. On était épuisé. Rincé. Mais pas démotivé pour autant.
A l’année prochaine …
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